Le blogue du rédac

Une drôle de campagne, même pour les Rhinocéros

Par Rémy Bourdillon le 2021/09
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Le blogue du rédac

Une drôle de campagne, même pour les Rhinocéros

Par Rémy Bourdillon le 2021/09

Comme à chaque élection fédérale, le Parti Rhinocéros entend bien faire quelques coups d’éclat, histoire de faire rire mais aussi réfléchir… Cette année, la troupe de joyeux drilles semble toutefois moins fringante qu’en 2019.

Le Parti Rhinocéros est le seul parti fédéral dont le siège social est à Rimouski, puisque c’est là que vit son chef Sébastien CoRhino. Mais ce dernier a plutôt choisi de briguer les suffrages au Manitoba, dans la circonscription de Saint-Boniface–Saint-Vital. « Je me présente à la tête d’une armée de 15 candidats indépendants. Il y aura un total de 21 candidats dans cette circonscription », explique-t-il.

Son but? Battre le record Guinness du plus long bulletin de vote au monde. Mais pas seulement : il s’agit de dénoncer le système électoral canadien, qui arrange les gros partis et laisse bien peu de chances aux petits ou aux candidats indépendants, avec comme résultat un Parlement très homogène socialement.

« Sur le bulletin de vote, on a mis des charpentiers, des secrétaires et des étudiants, plutôt que des politiciens de carrière, des hommes d’affaires ou des avocats, détaille le chef rhino. Bref, des gens normaux, pour montrer que le peuple devrait se réapproprier la démocratie. »

Une Néo-Écossaise pour Rimouski

Conséquence de cet exil manitobain, c’est Meghan Brown-Hodges qui représentera le Parti Rhinocéros dans Rimouski-Neigette–Témiscouata–Les Basques. Une « très bonne candidate » selon son chef, qui s’est déjà présentée en 2015 en Nouvelle-Écosse. En d’autres termes, une candidate-poteau…

« J’ai décidé de laisser le choix aux Rimouskois de voter pour un poteau ou un autre, étant donné que tous les candidats sont des poteaux sauf Noémi Bureau-Civil [la candidate indépendante pour une décroissance choisie] », assume Sébastien CoRhino, qui reconnait quand même qu’il aurait préféré un candidat local. Mais il n’en a pas trouvé, car dans cette campagne qui n’intéresse pas grand monde, le Parti Rhinocéros aussi a des soucis de recrutement et ne présentera que 27 candidats dans tout le Canada, contre 40 il y a deux ans.

Les élections 2019 avaient d’ailleurs été un bon cru pour les Rhinos : ils avaient frappé un grand coup en présentant un Maxime Bernier dans la circonscription du chef du Parti populaire du Canada. Sébastien CoRhino s’était quant à lui présenté à Québec face au libéral Jean-Yves Duclos pour dénoncer le fait que ce dernier avait été élu avec seulement 29 % des voix en 2015, donc contre l’avis de 71 % des électeurs de sa circonscription.

Cette année, c’est plus tranquille. « La campagne électorale est tellement courte qu’on a beaucoup de candidats qui n’ont pas réussi à remplir les papiers à temps, ou qui n’ont même pas essayé », se défend le chef tout en assurant que son parti est quand même au rendez-vous : dans la circonscription d’Erin O’Toole, il présentera un Adam Smith qui régulera le marché de sa main invisible, tandis qu’un candidat nommé Znoneofthe Above apparaîtra tout en bas des bulletins dans la circonscription de Justin Trudeau.

La réalité rattrape la satire

Il devient quand même difficile pour un parti satirique d’exister dans un paysage politique de plus en plus déjanté, en ces temps de pandémie et de changements climatiques. Certaines promesses faites par des partis sérieux, comme capter le carbone de l’atmosphère avec des technologies dont on ignore encore tout, paraissent directement volées dans le programme du Parti Rhinocéros. 

« Depuis quelques années, je me demande souvent où est la place de l’humour dans un monde surréaliste, confesse Sébastien CoRhino. Depuis que Maxime Bernier a créé son parti, ou depuis Trump : ces deux-là, ou d’autres populistes de par le monde, disent des choses que j’aurais pu écrire en tant que blagues… »

Récemment, on a d’ailleurs pu voir quelques critiques poindre sur les réseaux sociaux. Pour certains, les Rhinos alimentent le cynisme de la population, voire sont carrément des trolls politiques. Mais c’est tout le contraire si l’on en croit leur chef, qui dit aimer « rencontrer des gens qui sont peu intéressés par la politique, et réussir à leur faire prendre conscience que la politique c’est important et qu’on peut s’y impliquer. »

Et s’il est élu, là-bas à Winnipeg, quelle serait la promesse qu’il voudrait absolument réaliser? « La loi numéro 1 du Parti Rhinocéros, c’est abolir la loi de la gravité, parce que c’est une loi illégale qui n’a jamais été votée à l’intérieur du Parlement canadien. Mais sérieusement, je crois que la réforme du mode de scrutin est un impératif. Je ne peux pas croire qu’un million de personnes ont voté pour le Parti vert aux dernières élections, et qu’ils n’ont pas 25 députés. » Fondé en 1963, le Parti Rhinocéros court toujours après son premier élu.

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