
Afin d’anticiper la vague de fermetures d’églises dans le diocèse de Rimouski, la Coalition urgence rurale du Bas-Saint-Laurent et le Centre de mise en valeur des Opérations Dignité mènent une tournée d’information dans les municipalités qui veulent sauvegarder leur bâtiment religieux.
C’est Martin Gagnon, le coordonnateur du Centre de mise en valeur des Opérations Dignité, qui est en charge d’animer les rencontres. Il faut dire qu’il a un peu d’expérience en la matière : il est impliqué dans la conversion de l’église d’Esprit-Saint, dans laquelle le centre d’interprétation qu’il dirige doit déménager. Il a donc suivi une formation donnée par le Conseil du patrimoine religieux du Québec : « Il y avait des experts en architecture, en biens patrimoniaux religieux, etc. Ils nous expliquaient ce qu’on peut conserver, ce qu’on ne peut pas conserver, ce qui peut être vendu… »
M. Gagnon veut partager ses connaissances car il constate que malgré le fait que la population est attachée à son patrimoine bâti, les projets pour transformer les églises n’affluent pas. Plus de la moitié des 89 églises consacrées du diocèse de Rimouski pourraient être fermées dans les deux prochaines années, révélait Radio-Canada en mai dernier. Il y a donc urgence de leur trouver une nouvelle vocation.
« Depuis la loi sur la laïcité, l’État ne peut pas intervenir si un bâtiment a un statut religieux, c’est comme si ça immobilisait les élus municipaux, explique Martin Gagnon. De l’autre côté, les fabriques sont formées de gens âgés, qui sont toujours croyants mais qui tiennent ça à bout de bras… Donc tout le monde reste un peu sur ses positions, il n’y a pas d’étincelle. L’objectif c’est d’initier le processus, de les asseoir ensemble, de leur expliquer les programmes qui existent pour la reconversion. »
En effet, l’argent ne manque pas : le Conseil du patrimoine religieux a lancé un appel de projets pour maintenir en bon état le patrimoine culturel religieux, et accepte des propositions jusqu’au 20 août. Quant au gouvernement fédéral, il offre deux programmes pour financer les projets communautaires qui revitalisent les villages.
L’occasion de mener un débat
Rendre une église à la communauté n’est que justice : ces bâtiments ont été construits par les villageois d’alors, lors de grandes corvées, et occupent une place à part dans les villages. Les désacraliser reste toutefois un exercice délicat puisque certaines sensibilités peuvent être froissées, prévient Martin Gagnon. Mais puisque c’est le diocèse lui-même qui va abandonner plusieurs de ces édifices, il devrait être plus simple d’effectuer cette opération. Surtout, une épée de Damoclès flotte au-dessus du clocher des églises en mauvais état : celle de la démolition.
Au Québec, de nombreuses églises ont déjà été transformées, donnant lieu à une grande diversité d’usages : centres communautaires, bibliothèques, galeries d’art… C’est ce que Martin Gagnon aime dans la tournée qu’il mène : la potentielle conversion d’une église permet d’avoir un grand débat d’idées au sein d’une communauté, et d’exprimer quels sont les besoins des différentes populations qui la composent. « Par exemple, hier [lundi] à Saint-Narcisse, des jeunes ont déploré ne pas avoir de lieu de rassemblement, alors l’idée d’avoir un café-bistro a été exprimée », illustre ce spécialiste du développement régional.
Il peut aussi être intéressant de prévoir une composante touristique dans le projet de transformation, de manière à générer des revenus qui seront précieux pour l’entretien du bâtiment, poursuit-il. C’est le choix qui a été fait à Esprit-Saint (avec le Centre de mise en valeur des Opérations Dignité), mais aussi dans le village voisin de Lac-des-Aigles où un centre d’interprétation des salmonidés verra le jour dans l’église Saint-Isidore.
Dans le cadre de sa tournée, Martin Gagnon a déjà animé des rencontres d’une heure à une heure et demie à Saint-Narcisse, Saint-Marcellin, Lejeune, Auclair, Saint-Jean-de-la-Lande et Trinité-des-Monts. Il se déplacera dans tout village du Bas-Saint-Laurent qui en fait la demande, en communiquant avec la Coalition urgence rurale ou avec le Centre de mise en valeur des Opérations Dignité.