Le blogue du rédac

Vers un festival de l’étalement urbain au Bas-Saint-Laurent

Par Rémy Bourdillon le 2021/07
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Le blogue du rédac

Vers un festival de l’étalement urbain au Bas-Saint-Laurent

Par Rémy Bourdillon le 2021/07

La demande pour de nouveaux logements est forte au Bas-Saint-Laurent, et plusieurs annonces récentes laissent présager une augmentation de l’étalement urbain, tant dans les villes que dans les villages.

À Rivière-du-Loup, le Réseau d’information sur les municipalités (un comité citoyen qui scrute la politique municipale) a dénoncé le vote d’une résolution par la Ville, le 5 juillet, afin d’étendre de 19 hectares son périmètre urbain. La Ville souhaite rendre constructibles des terres actuellement réservées à une affectation forestière, à proximité de l’autoroute 85, et il revient à la MRC d’accepter ou non cette idée.

« À la veille des élections, le conseil choisit malheureusement un modèle de développement sauvage dépassé dans un contexte de protection de la biodiversité et de mobilité durable », se désole le Réseau d’information sur les municipalités, qui « reproche à la Ville de promouvoir la destruction des milieux naturels par l’étalement urbain, alors que des terrains vacants et le redéveloppement dans le périmètre urbain actuel n’ont pas été sérieusement envisagés. »

Dans une lettre publiée par Le Devoir, le conseiller en aménagement Laurent Howe explique que c’est pour faire accepter la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles que le gouvernement de René Lévesque a permis, en 1978, aux villes et aux MRC de demander une extension de leur territoire constructible en fonction de la croissance de leur population, au détriment des terres agricoles et des espaces naturels.

À Rimouski, on apprenait en début de semaine que 75 terrains du district Saint-Pie-X pourraient être prochainement aménagés à la place d’une surface boisée pour construire des résidences unifamiliales, des jumelés et des triplex. Sur la station CFYX, l’un des promoteurs, Bernard Beaulieu, a expliqué avoir déposé ce projet car la Ville est en train de réviser son périmètre urbain. L’administration ne l’a pas encore accepté, mais selon M. Beaulieu, le conseiller municipal Simon St-Pierre y est « très très très favorable ».

Mais il n’y a pas que les villes qui veulent faire de l’étalement urbain : les villages aussi s’y mettent. Ainsi, Saint-Anaclet-de-Lessard veut mettre des terrains en vente pour accueillir pas moins de 150 familles. Il faudra là aussi construire de nouvelles rues et les raccorder aux différents services municipaux. Au total, ce sont 24 hectares qui pourraient être urbanisés.

Source de problèmes

Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’étalement urbain « explique plusieurs des grands défis auxquels les villes sont confrontées, par exemple : émissions de gaz à effet de serre, pollution atmosphérique, engorgement des routes et pénuries de logements abordables. » En effet, on imagine mal une famille vivre dans une des nouvelles zones résidentielles susnommées sans avoir une ou deux voitures.

Si les municipalités se frottent les mains en pensant aux taxes qu’elles vont collecter dans les prochaines années, construire de nouvelles rues implique des dépenses importantes à plus long terme, toujours selon l’OCDE : « On sait depuis longtemps que l’étalement urbain fait grimper les coûts par usager de l’exécution des services publics de base. La distribution d’eau, l’assainissement, la fourniture d’électricité, les transports publics, la gestion des déchets et les services de contrôle font partie des services indispensables au bien-être qui sont beaucoup plus coûteux à assurer dans les zones fragmentées de faible densité. »

On invoquera souvent la préférence de la population pour des plus grands espaces afin de justifier la construction de maisons unifamiliales au milieu de terrains gazonnés. Cependant, « l’étalement est le résultat de l’action des pouvoirs publics, et notamment des limites de densité, des plans d’occupation des sols et des régimes fiscaux incompatibles avec les coûts sociaux de l’urbanisation de faible densité, ou encore de la sous-tarification des effets externes de l’automobile et de l’investissement massif dans l’infrastructure routière », pointe l’OCDE.

L’étalement urbain n’est pas une fatalité

À Rimouski, l’annonce récente de la construction de 150 appartements dans trois immeubles non loin du centre-ville montre qu’il est possible de répondre aux besoins de logements sans faire d’étalement urbain.

Du côté de Rivière-du-Loup, le Réseau d’information sur les municipalités aimerait que des solutions innovantes soient proposées. « La Ville pourrait par exemple orienter la construction de centaines de condos et d’appartements sur le toit du centre commercial, une pratique encourageant la proximité entre les résidents et les commerces qui se répand au Québec », écrit le porte-parole du groupe, Roger Plante.

Pour Laurent Howe, il faudrait « geler le périmètre d’urbanisation de villes de banlieue, ce qui ne leur laisserait aucun autre choix que de densifier leur bâti en stoppant net l’étalement urbain ». Dans une région comme le Bas-Saint-Laurent, on pourrait appliquer cette recommandation même aux villes-centres, dont l’urbanisme peut être qualifié de banlieusard. Quant à l’OCDE, elle juge « impératif de réformer la réglementation de l’urbanisme et la fiscalité foncière pour obtenir une urbanisation plus durable ».

La responsabilité de créer une ville plus durable est donc partagée entre citoyens, conseils municipaux et gouvernements. Mais dans ce match à trois participants, ce sont aux villes et municipalités de jouer les premières et de se demander si vraiment, elles veulent étendre leur périmètre urbain.

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