
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local
Pour prévenir les violences sexuelles dans les établissements scolaires du Bas-Saint-Laurent, une aide financière a été débloquée pour que les Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) puissent assurer une sensibilité auprès des élèves à la violence à caractère sexuel. Cette sensibilisation se fera à travers des ateliers qui aborderont le consentement, les mythes et préjugés, les différentes formes d’agressions ainsi que le pouvoir d’agir.
L’initiative du gouvernement traduit une importance nouvelle consacrée aux outils dont disposent les jeunes pour construire une vie sexuelle saine et pouvoir se défendre en cas de violence sexuelle.
Une éducation construite par les adultes pour répondre à leurs craintes
À l’origine, l’éducation sexuelle prenait très peu en compte le vécu des adolescent.es de leur entrée dans la sexualité. Ce qui a produit une absence de réflexion sur la violence que pouvaient vivre certain.es, y compris au sein des jeunes couples.
L’intérêt premier de l’éducation portait sur des éléments marquants du point de vue des adultes, comme la précocité des rapports sexuels, la pornographie ou encore les risques sexuels. Or, ces sujets ne sont pas des éléments majeurs pour les jeunes (Amsellem-Mainguy, Vuattoux, 2019, p. 85). De ce fait, ces cours étaient surtout constitués pour répondre aux craintes des adultes, comme les IST, les grossesses non prévues ou encore les violences liées à la pornographie.
Pourtant, ce contenu se trouve être en décalage avec les attentes et les besoins des jeunes qui entre dans la sexualité. Ce qui se joue avec ce contenu, c’est une décontextualisation et une euphémisation de leur vécu. Car, à l’instar des adultes, les jeunes font l’expérience de la violence dans la sexualité.
C’est pourquoi l’éducation sexuelle doit intégrer les différents contextes sociaux de la sexualité (précarité économique, dépendance résidentielle des jeunes), à l’impact des idéologies LGBT-phobes, des mythes comme ceux des besoins supposés plus importants chez les hommes, etc. (Amsellem-Mainguy, Vuattoux, 2019, p. 86).
Un âgisme à l’œuvre ?
La décontextualisation et l’euphémisation émergent d’une forme d’âgisme envers cette population que représentent les jeunes. L’âgisme se situe dans la croyance que cette population doit être encadrée, car, par l’insouciance qui semble la caractérise, elle ne « se rend pas compte des conséquences de [ses] actes » (Amsellem-Mainguy, Vuattoux, 2019, p. 87). Par ce contrôle, c’est comme si les comportements sexuels des jeunes apparaissent comme une menace à l’ordre social et aux valeurs morales.
Ce faisant, une stigmatisation des comportements que les jeunes prennent durant leur vie sexuelle vise à la faire apparaitre comme « à risque ». Les adultes, par leur expérience, seraient les seul.es à pouvoir les sauver, sans que les jeunes aient conscience du danger. La conséquence est que l’éducation qui leur est prononcée construit un cadre moral de l’acceptable et de l’inacceptable, sans que les jeunes puissent participer à la discussion. Mais ce contrôle est surtout genré, il vise une surveillance des jeunes femmes et leur comportement.
Deux sexualités s’opposent alors : celle des jeunes qui est marquée par l’insouciance, et celle des adultes, réfléchie et maitrisée. Appréhender la sexualité sous ce prisme, c’est renforcer les rôles genrés et à les y enfermer.
Le consentement ou les violences dans la sexualité, éléments majeurs de la vie sexuelle, sont complètement éludés par cette panique morale.
Dans les relations intimes que vivent les jeunes, une réactualisation des rapports de pouvoir a souvent lieu. Par exemple, lorsque les deux partenaires n’ont pas le même âge, ou encore lors d’un déséquilibre de popularité. Le consentement devient un outil précieux pour négocier avec soi et avec son ou sa partenaire, réajuster les désirs, etc.
Ainsi, la sexualité des jeunes présente les mêmes risques que celle des adultes. Leur sexualité n’est alors pas plus à risque car « en construction » ou « instable ». À l’instar de celle des adultes, les violences au sein des jeunes couples proviennent d’une absence d’éducation sur l’égalité femme-homme. Ce sont autant de vraies violences conjugales que lorsqu’elles se passent dans un couple mature.
« Comme les adultes, les jeunes sont concerné.es par l’ensemble du spectre des violences sexuelles et de genre, et par une sexualité sans doute aussi diversifiée » (Amsellem-Mainguy, Vuattoux, 2019, p. 93).
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Amsellem-Mainguy, Yaëlle, et Arthur Vuattoux. « Sexualité juvénile et rapports de pouvoir : réflexions sur les conditions d’une éducation à la sexualité », Mouvements, vol. 99, no. 3, 2019, pp. 85-95.
Miriane Demers-Lemay, « 434 000 $ pour prévenir les violences sexuelles dans les écoles du Bas-Saint-Laurent », Radio canada, publié le 20 septembre à 17 h 33, url : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2011820/violences-sexuelles-education-ecoles-secondaires-calacs