
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local
Entre la crise du logement, le climat qui se dégrade à grande vitesse et la pauvreté qui se manifeste de plus en plus, une impression d’impuissance se fait sentir. Pourtant, des initiatives se lancent localement, comme la grève pour le climat organisée par le Cegep de Rimouski les 28 et 29 septembre, ou encore le défi sans auto solo lancé du 18 au 24 septembre organisé par le CREBSL.
Seulement, ces initiatives semblent bien minces face à l’ampleur des crises. Depuis plusieurs années, le mode de vie occidental ne peut être viable pour toute la population mondiale, car il faudrait plusieurs planètes pour le soutenir. La consommation, la production et le rejet de matières sont bien trop importants. Les alertes ne proviennent plus simplement des militant.es, mais aussi des scientifiques comme le Giec, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
Ajouté à cela l’inégalité extrême qui se joue au niveau social : « la fortune personnelle de 67 personnes est égale aux revenus cumulés de la moitié des habitants de la terre (3,5 milliards) » (Viveret, 2015, p. 74). Jamais les inégalités entre classes sociales n’ont été si fortes.
Une étude financée par la Nasa a mis en lumière que la destruction des écosystèmes et le creusement des inégalités sociales étaient les causes majeures qui ont produit l’effondrement de précédents empires et civilisations.
Ces deux extrêmes, destruction de l’environnement et inégalité sociale, proviennent de la transformation d’une économie de marchés à une société de marché. Par cette transformation, tout est devenu marchand, que ce soit les produits matériels, comme les relations humaines, la politique, l’éducation, et même la spiritualité (Viveret, 2015, p. 75).
Une telle société devrait être soulevée par des pressions citoyennes, des mouvements alternatifs qui réclament l’intervention des pouvoirs publics. Mais rien ne change. Chacun de ces mouvements tombe dans le flot de catastrophes. Même la pandémie, qui avait montré avec clarté les problèmes de la société, n’a pas entrainé des effets durables. Rien n’a fondamentalement changé. Comment alors dépasser cette inertie ?
Les contradictions qui paralysent
La stratégie de mettre en avant la situation dramatique est rationnellement justifiable, car elle devrait amener à une volonté de se mettre en action, de réagir avec énergie. Mais c’est tout le contraire qui se produit, seuls la peur, le repli et l’impuissance émanent de cette stratégie. On assiste à une première contradiction : montrer le danger provoque une paralysie.
La même contradiction se trouve au niveau de l’inégalité sociale. La logique de captation des richesses des ultra-riches, clairement manifeste, devrait soulever de colère les populations, car cette logique est la principale source des inégalités qu’elle subit. Mais les ultra-riches apparaissent comme intouchable, inaccessibles, c’est pourquoi la faute de leur appauvrissement se répercute sur les classes les plus pauvres (immigrants, chômeurs, etc.) (Viveret, 2015, p. 76). La seconde contradiction provient de l’accusation des classes les plus pauvres de profiter du système, alors que ce sont les riches qui captent toutes les richesses.
À ces contradictions s’ajoute celle de la temporalité : les actions climatiques visent la date limite de 2050 pour neutraliser notre impact climatique, « mais, sur le plan social, pour des milliards d’êtres humains, le projet de vie est à 24 heures » (Viveret, 2015, p. 76).
C’est pourquoi les défis écologiques ne peuvent être amorcés que si on avance sur les questions sociales. Par exemple, en substituant les logiques d’austérité, qui vise les plus pauvres, à une logique de la sobriété, qui attaque le superflu des riches et ultra-riches
Un autre élément à prendre en compte réside dans l’imaginaire qu’a imposé la société de marché : cet imaginaire a « détruit le sens des échanges, y compris les marchés sur la longue durée » (Viveret, 2015, p. 77).
Ce nœud de contradictions doit être considéré pour sortir de l’impasse civilisationnelle dans laquelle nous arrivons.
Mobiliser les émotions positives
Pour dépasser cette paralysie générale, la solution est de faire une démonstration positive des changements de consommation, d’organisation et de production, sans que ces changements mobilisent la croyance d’un ascétisme extrême ou d’un retour à la bougie (Viveret, 2015, p. 77).
Le simple fait de montrer les alternatives, c’est permettre de sortir de la logique du déni et de la paralysie. Car des solutions positives sont accessibles, et permettent de cibler les véritables causes.
C’est pourquoi les pouvoirs locaux ont un rôle majeur à jouer, principalement dans leur capacité à introduire un processus démocratique autour des enjeux de transitions écologiques et sociales.
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Viveret, P. (2015). Écologie : pourquoi bouge-t-on si peu ?. Revue Projet, 344, 74-78. https://doi.org/10.3917/pro.344.0074