
Je vais vous faire une petite confidence : de temps en temps, depuis l’autre bout du monde, j’aime bien jeter un coup d’œil à la séance du conseil municipal de Rimouski. Non pas que le spectacle soit bien édifiant, mais comme dirait l’autre « je paie mes taxes », alors j’ai le droit d’avoir les loisirs que je veux. Et je ne peux que constater quelque chose de préoccupant depuis quelques mois : la dérive autoritaire du maire Guy Caron.
Comprenez-moi bien : je n’entends pas mettre l’ancien du NPD (un temps qui semble bien lointain) sur le même plan que Vladimir Poutine. Mais il me semble évident que, gonflée par son score de 80,71 % (soit plus que le maître du Kremlin lors de sa dernière réélection, pensez-y deux minutes), la grenouille rimouskoise se voit plus grosse que le bœuf. Sa spécialité? Beugler « Laissez-moi parler! » à des citoyens qui osent profiter des quelques minutes de micro auxquelles ils ont droit une fois aux deux semaines, lors de la période de questions. Lui seul a le droit d’interrompre, même s’il aura de toute manière droit au dernier mot, même s’il a déjà accès à toutes les tribunes médiatiques de la région tous les jours.
Depuis l’arrivée au pouvoir du tsar du Rocher Blanc, la période de questions s’est d’ailleurs réduite comme une peau de chagrin : alors que c’est le seul moment où la population peut confronter publiquement les élus, il a été décidé arbitrairement de la limiter à une heure. En introduction, le maire répète toute une série de règlements, comme s’il s’adressait à des enfants. Les administrés (car c’est bien de cela qu’il s’agit) ont aussi vu leur espace d’expression radicalement limité : « Cinq minutes, une question et une sous-question (sic) », répète régulièrement Guy Caron.
Pire encore, il est devenu normal de policer les séances du conseil. C’est ainsi que par deux fois, les agents de la SQ sont intervenus à l’hôtel de ville. On peut penser ce qu’on veut de l’initiative de quelques citoyens de se présenter cagoulés face aux élus (à mon avis, ce n’était pas l’idée du siècle), mais il est exagéré de prétendre que ces gens étaient dangereux : ils avaient prévenu qu’ils feraient ce coup d’éclat, et personne n’ignorait de qui il s’agissait.
Plus tard, c’est à cause de quelques résidents fâchés à l’idée qu’une maison soit démolie qu’on a composé le 911. Encore une fois, où était la menace? Ne répète-t-on pas comme une mièvrerie que les jeunes devraient s’intéresser davantage à la politique? Remarquez, dans ce cas précis, plus que l’intervention policière, c’est la froideur et le manque total d’empathie du maire face à des citoyens qui allaient se retrouver à la rue qui faisaient froid dans le dos.
Quelle ne fut pas ma surprise d’apercevoir par la suite, dans la salle du conseil, la présence d’un agent de sécurité… Quel est donc le péril imminent qui justifie l’embauche de cette personne (« avec mes taxes », devrais-je rajouter)? Au fil des semaines, c’est une atmosphère de surveillance et de répression qui s’est installée dans la salle du conseil, qui devrait pourtant être le haut lieu de la démocratie municipale.
Hors de cette pièce, Guy Caron ne se comporte guère mieux. Il avait promis un plan pour lutter contre la pénurie de logements? Il l’élaborera seul, sans même prendre la peine de consulter un organisme comme le Comité logement. Il avait promis une grande consultation citoyenne? Ce sera finalement un sondage en ligne, complété par des séances publiques lors desquelles les citoyens auront – encore – bien trop peu de temps pour s’exprimer à leur guise.
Et lorsque deux animateurs de radio tiendront des propos inadmissibles en ondes, il ne se contentera pas de boycotter (ce qui est légitime) la station : il posera carrément le renvoi de ces personnes comme condition sine qua non avant de retourner faire une entrevue à cette antenne. Mais dans quel genre de pays les politiciens se permettent-ils de demander à une entreprise privée de mettre tel ou tel employé à la porte?
Malheureusement, ces dérapages de Guy Caron ne sont aucunement freinés par la « culture » politique de Rimouski, en vertu de laquelle les conseillers municipaux se taisent en public – et donc consentent. La bonne vieille recette de l’unanimité, où aucune décision n’est jamais contestée par personne, est reproduite à la perfection sous ce mandat.
Si au moins cela permettait à la ville d’avancer… Mais même avec de bonnes jumelles, impossible de trouver la moindre réalisation significative depuis le début du mandat. Où est la densification promise durant la campagne électorale? Le traversier? Seul exploit, on a réussi à limiter l’accès d’un parc au public! Vous commencez à la voir aussi, cette petite tendance à l’autoritarisme?