
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local
Avec la crise du logement qui frappe la région du Bas-Saint-Laurent, le manque de logements abordables entraine l’impossibilité pour des étudiants inscrits à l’UQAR de commencer leur session dans un appartement, le motel reste leur dernier recours. Plus grave encore, l’impossibilité de trouver un autre logement abordable force des femmes à retourner vivre avec leur conjoint violent.
Bien entendu, il existe des services communautaires qui permettent d’avoir parfois d’autres options, comme la Débrouille ou encore des chambres d’hôtel offertes par des municipalités.
Ce que l’on constate, c’est que la pénurie de logements accentue des vulnérabilités et des inégalités sociales déjà présentes. Il va donc être question de regarder quelle partie de la population est plus à risque de voir ses conditions de vie fragilisées par cette crise.
Une différence dans le mal-logement ?
À première vue, il semble que la question de la pénurie de logements touche toutes les tranches de la population, c’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle s’est mue en une crise. Un logement insalubre et trop cher affecte de la même manière les occupant.es. Pourtant, les différentes études réalisées sur ce sujet ont démontré que le mal-logement frappe plus durement les personnes genrées comme femmes (Bernard, 2007, p. 5). « Les femmes en effet subissent de plein fouet les ravages de la crise de l’habitat, avec plus d’acuité encore et d’intensité que leurs congénères masculins » (Bernard, 2007, p. 5).
État des lieux
Il faut rappeler que le simple fait d’être femme accentue les vulnérabilités socio-économiques. Par exemple, sur la question du revenu, un homme gagne systématiquement plus qu’une femme encore aujourd’hui. Mais cette différence ne se mesure pas uniquement sur le salaire, mais plutôt sur les opportunités d’augmentation, de promotion, etc. Or, cette différence ne peut pas se justifier par une différence de niveau d’éducation, puisque les femmes terminent plus souvent l’enseignement supérieur que leurs homologues masculins.
D’autres facteurs expliquent cette différence de revenue, comme celui des cumuls de responsabilités provenant de la sphère privée qui incombent les femmes et les empêchent de s’investir dans leur milieu professionnel, contrairement aux hommes (Bernard, 2007, p. 7). Par exemple, en plus de l’éducation des enfants et de la maternité, ce sont les femmes qui vont apporter leur aide et soutien à leurs proches âgés ou malades. Et toutes ces activités ne sont pas rémunérées, ce qui leur fait une perte sur le plan financier, car ce temps consacré au soin est imputé à celui consacré à une activité rémunératrice.
Ce qui cause une sur-représentation des femmes dans les emplois à temps partiel : six fois plus de femmes que d’hommes (Bernard, 2007, p. 6). Et forcément, à temps partiel, le revenu le devient aussi, ce qui engendre un écart entre homme et femme.
En conséquence, sur huit arrêts de carrière, sept concernent des femmes, engendrant une fragilité financière, surtout lorsqu’une femme doit quitter son (ex)conjoint.
Conséquence sur la précarité
Avec ce bref revu, il est possible de comprendre pourquoi les femmes ont un risque de 15% plus important que les hommes de connaitre la pauvreté. Et « cet écart atteignant même 36 % en ce qui concerne la tranche d’âge 50 à 64 ans » (Bernard, 2007, p. 8).
En plus de ce tableau, on assiste à une montée des ménages monoparentaux surreprésentée par les femmes. En effet, trois ménages monoparentaux sur quatre ont une femme à leur tête. Ce qui veut dire qu’ajoutées aux difficultés d’être une femme, ces mères portent à leur charge plusieurs enfants. En sommes, ces familles sont surreprésentées dans la sphère de la précarité (Bernard, 2007, p. 10).
Entre les inégalités genrées et la vulnérabilité d’être monoparentale, 62 % des personnes pauvres sont des femmes (de moins de 65 ans). Et « les femmes canadiennes évoluant sous le seuil de pauvreté seraient 30 % plus nombreuses que les hommes » (Bernard, 2007, p. 11).
Si on ajoute à l’inégalité genrée d’autres facteurs comme le handicap ou la race, la vulnérabilité s’accentue davantage, « les femmes issues de peuples autochtones sont deux fois plus susceptibles de devenir mères seules que les autres femmes en général » (Bernard, 2007, p. 12).
On constate alors que la pauvreté ne touche pas à l’aveugle les individus. Et que les familles monoparentales tenues par des femmes sont très largement impliquées par les conséquences de la crise du logement.
Et le logement
La vulnérabilité socio-économique des femmes décrite laisse alors penser que les conditions de logements sont tout autant précaires que le reste.
On le constate dans la diminution de l’accès à la propriété privée pour les ménages monoparentaux, surtout avec la différence de revenu qui réduit la possibilité pour les femmes d’accéder à la propriété. Surtout lorsque le ménage locataire consacre au loyer une part deux fois supérieure de son salaire que s’il était propriétaire. Par exemple, « plus de la moitié (60 %) des femmes dites « seul soutien de famille » affectent à leur loyer un tiers ou plus de leurs revenus, contre 40 % seulement de leurs homologues masculins » (Bernard, 2007, p. 16). La détérioration des conditions de vie en est largement impactée.
En conséquence, les femmes monoparentales en situation de précarité ne peuvent pas se montrer regardantes sur le prix et l’état du logement, surtout lorsque ces derniers se font rares. L’impossibilité de négocier entraine des abus de la part de certains propriétaires, au « moins » grave se trouve être des refus de réaliser des réparations.
En conséquence
Les femmes sont alors plus durement touchées par la crise du logement. Cette dernière présente alors une dimension genrée, qui est malheureusement peu abordée et pourtant essentielle pour constater que la crise du logement ne se limite pas à la pénurie de logements.
Si les femmes sont moins visibles dans une situation d’itinérance, ce n’est pas l’adoption d’autres stratégies que celles des hommes. En général, lorsqu’elles ont à leur charge des enfants, elles vont préférer demander à leur entourage un coin pour dormir, voire retourner chez leur conjoint violent.
Sources
Nicolas, Bernard, « Femmes, précarité et mal-logement : un lien fatal à dénouer », Courrier hebdomadaire du CRISP, vol. 1970, no. 25, 2007, pp. 5-36.