
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local
Avec les évènements de l’été très rassembleurs, comme les jeux du Québec organisés à Rimouski, on peut se demander si les multiples confinements vécus dans les dernières années ont véritablement affecté notre rapport à la foule en général et à autrui en particulier.
De nombreuses études démontrent que la crise sanitaire a eu de véritables répercussions sur nos relations sociales et notre rapport aux autres (Mouret, 2022, p. 42).
Pourtant, la durée des différents confinements restait très courte par rapport aux relations sociales que nous avons bâtis et entretenus durant toutes ces années. Les changements radicaux ne devraient pas s’observer.
Les confinements ont plutôt eu l’effet d’une restructuration relationnelle, offrant aux individu.es une possibilité de se recentrer sur les relations qui leur étaient essentielles, produisant une réduction de la taille du cercle social.
L’entre soi
La famille a alors pris une place plus importante dans ce cercle pour certains groupes de personnes. Principalement pour les personnes qui ont rejoint leur famille lors des confinements, une rupture avec les cercles sociaux extérieurs à la famille s’est démontrée (Mouret, 2022, p. 42). Entrainant un sentiment de rupture avec le cercle amical, qui plus est avec les membres de ce cercle n’ayant pas adoptés les mêmes stratégies de confinement.
Par exemple, les personnes qui ont adopté (parfois malgré elles) la stratégie de rester dans leur appartement seul, une rupture progressive entrainée par le sentiment de ne pas partager la même solitude les a séparés, la difficulté de sentir une compréhension dans l’évocation de son vécu. Ce qui correspond à une réduction de la qualité des échanges.
De plus, le maintien des lieux amicaux s’est avéré difficile pour les plus jeunes, mais aussi pour les personnes célibataires. En effet, les populations les plus investies dans les relations sociales amicales sont les, jeunes, les jeunes couples et les couples sans enfants.
En conséquence, dans toutes les populations, le cercle relationnel s’est progressivement atrophié (Mouret, 2022, p. 43). Les outils numériques n’ont pas pu permettre de limiter le problème.
En effet, les outils numériques étaient principalement utilisés pour converser avec les ami.es proches (pouvant être éloigné.es géographiquement), mais moins fréquemment avec les connaissances (les personnes de la vie quotidienne avant confinement).
Cependant, cette connexion numérique avec les ami.es proches n’a pas permis d’éliminer le sentiment de solitude qui a augmenté dans la population. Tout simplement car il ne peut remplacer les interactions physiques. « Nombreuses sont les personnes ayant évoqué l’insatisfaction que leur ont procurée les visioconférences, le manque de spontanéité dans la fluidité des échanges » (Mouret, 2022, p. 43). De plus, les divergences quant aux opinions sur la pandémie ont délié certaines relations au profit d’autres opinions qui étaient similaires.
La conséquence qui en ressort est une augmentation de l’homophilie des relations, correspondant à une préférence pour relationner avec les personnes qui sont comme nous. Notre cercle amical s’est alors atrophié pour ne laisser que les personnes qui nous ressemblent le plus (par exemple : le même niveau de diplôme, le même âge ou encore la même situation familiale).
Cet entre-soi provient tout simplement du fait que les personnes ont conservé des relations avec « des personnes vivant des expériences similaires, donc à même de les comprendre » (Mouret, 2022, p. 43).
La distanciation physique
L’absence de contact physique, la distanciation physique entrainant une absence de circulation dans le quotidien ont supprimé les contextes sociaux de rencontre avec une hétérogénéité de personnes, comme sur le lieu de travail.
Une certaine méfiance envers autrui est alors apparue par la peur de la contagion de soi et de transmission à un.e proche.
Cette distanciation a engendré une modification des relations sociales qui a perduré après les confinements. Les invitations pour sortir, même en plein air, pour se retrouver chez des amis ou même au restaurant ou dans les bars ont été perçues avec méfiances au départ. Pour s’estomper par la suite.
Mais une modification des échanges interpersonnels a persisté, comme la manière de saluer, le nombre de personnes acceptable dans une même pièce, etc.
On ne touche plus aussi facilement autrui, « la distanciation physique a réduit la richesse et le champ de nos interactions non verbales » (Mouret, 2022, p. 44).
Masquer
Le masque a été un élément central pour lutter contre la pandémie et durant le déconfinement. Or ce dernier a eu un impact non négligeable sur nos interactions sociales.
En raison de la suppression des mimiques faciales, de nombreuses personnes ont relevé une difficulté à comprendre et entendre autrui (Mouret, 2022, p. 44). Ce qui entravait un rapprochement avec des personnes situées hors de notre cercle.
D’autre part, le masque a aussi revêtu plusieurs significations lorsqu’il était et est porté. La personne qui porte un masque est potentiellement dangereuse en raison des agents pathogènes qu’elle souhaite contenir avec lui. Le masque porté produit un memento mori de la présence actuelle de la Covid. L’absence de port de masque devient dans certains contextes un manque de respect envers les règles et autrui (Mouret, 2022, p. 44).
Conclusion
En conséquence, l’ensemble de ces facteurs ont contribué à construire de nouveaux rapports sociaux dénués de contact ou de proximité, réduisant par ce fait une certaine spontanéité et une chaleur humaine. L’entre-soi en plus de ces nouveaux rapports participe encore plus à se méfier des étranger.ères. Ce que de nombreux.ses célibataires ont pu relever avec la difficulté à rencontrer réellement de nouvelles personnes. Car en plus de la distance, les compétences sociales se sont vues dégradées, amplifiant davantage la crainte de l’étranger.ères (l’inconnu.e).
« Une vie sociale harmonieuse et riche englobe une pluralité de liens et de modalités de rencontre. Cet état de fait illustre ainsi qu’un seul type de lien ne suffit pas » (Mouret, 2022, p. 45).
Source
Mouret, Marion. « Les relations sociales à l’épreuve de la crise sanitaire », Le Journal des psychologues, vol. 400, no. 8, 2022, pp. 42-45.