
L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local
Comme nous le savons, le Bas-Saint-Laurent connait un enjeu social majeur concernant la difficulté d’accéder à un logement décent à des prix abordables.
La crise touche fortement les locataires de Rimouski et de Rivière-du-Loup, dont seulement respectivement 0,9 % et 1,3 % des logements sont disponibles. Lorsque les logements sont disponibles, c’est 30% du revenu des locataires qui est consacré au loyer. C’est alors une injustice sociale qui en ressort, car les salaires les plus faibles sont les plus touchés.
Pour y remédier, les villes apportent comme solutions le développement de logements. Or, ce type de solution ne vise pas véritablement la source de la crise. En effet, les développements actuels de logement produisent une gentrification des quartiers, référant au remplacement de la population plus pauvre par plusieurs mécanismes que nous allons explorer.
Qu’est-ce que la gentrification
La gentrification est une notion qui cible plusieurs phénomènes et se produit par l’enchevêtrement de plusieurs échelles (international, national et local). Pour faire simple, elle traduit le rejet des populations pauvres aux abords des villes en les remplaçant par des populations plus aisées, les éloignant des ressources que fournit la ville (alimentaire, sociale, culturelle, etc.).
Certains quartiers défavorisés par la désindustrialisation (échelle internationale) et la précarisation de l’emploi se voient restaurés par de nouveaux investissements, améliorant les services, ce qui engendre la hausse des loyers, et donc l’expulsion progressive des anciens habitants au profit de populations plus fortunées (Guay, Megelas & Nichols, 2019, p. 199).
L’arrivée des nouvelles populations aisées accroit les marges de profit du secteur immobilier et l’assiette fiscale des gouvernements municipaux (échelle municipale). Les personnes plus aisées portent comme souhait (échelle individuelle) de s’installer dans ces nouveaux quartiers réhabilités pour certains avantages que bénéficiait déjà la population précédente, comme la proximité avec les lieux de travail et de divertissement.
Vitalisation et gentrification
À première vue, la gentrification peut se présenter comme un processus positif, comme le pense une partie de la littérature spécialisée. Une déconcentration de la pauvreté est permise, ainsi qu’une rénovation d’anciennes bâtisses et infrastructures publiques apparait être bénéfique pour toustes (Guay, Megelas & Nichols, 2019, p. 200).
Or, c’est là confondre la revitalisation urbaine et la gentrification.
La nuance entre les deux est fine mais primordiale. La revitalisation comporte effectivement des mesures qui bénéficient à tous les habitants d’un quartier. La nuance se tient dans le « tous ». Car dans le cas de la gentrification, les ménages à faible revenue ne bénéficieront pas de l’amélioration de leur quartier, car elle se voit expulsée par la hausse des loyers. Une revitalisation réelle ne s’accompagne pas d’une réduction du nombre de logements à prix abordable (Guay, Megelas & Nichols, 2019, p. 200). Une revitalisation est alors inclusive et sert au bénéfice pour l’ensemble des populations.
Ce qui ne veut pas dire qu’être contre la gentrification, c’est être pour la pauvreté.
La déconcentration de la pauvreté que produit la gentrification n’est qu’une dispersion des ménages à faible revenu, ce qui participe à aggraver leurs difficultés économiques et sociales.
En résumé, « si les causes de la gentrification sont généralement considérées comme complexes, ses conséquences s’avèrent trop souvent d’une simplicité brutale pour les ménages à faible revenu : des déplacements forcés, la disparition ou le remplacement des institutions locales et le délitement des liens communautaires » (Guay, Megelas & Nichols, 2019, p. 201).
Conclusion
La gentrification est liée à d’autres enjeux sociaux, comme la difficulté de se loger et l’augmentation de la place du loyer dans les dépenses des ménages, ce qui produit la diminution des salaires et le recul des bénéfices sociaux. Ces deux phénomènes touchent principalement les ménages déjà fragilisés financièrement.
C’est pour cette raison que l’action des groupes communautaires ainsi que des populations du quartier visé par la gentrification permet de résoudre les problèmes qu’elle engendre. Par exemple, en créant un projet d’habitation communautaire financièrement durable, ou encore une lutte contre la démolition d’immeuble et de logements sociaux (Guay, Megelas & Nichols, 2019, p. 203).
Le droit au logement doit être un droit fondamental, et non une simple marchandise. Et ce droit participe plus généralement au droit à la ville.
Des solutions existent à la crise du logement. Et elles doivent passer par le développement de logements sociaux, par la lutte contre la hausse des loyers et la diminution du nombre d’évictions.
Sources :
Guay, E., Megelas, A. & Nichols, N. (2019). La gentrification contre le droit à la ville. Le cas de Parc-Extension. Nouveaux Cahiers du socialisme, (22), 198–204.