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Qui a peur de la littérature québécoise du XIXe siècle?

Par Philippe Garon le 2023/06
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Qui a peur de la littérature québécoise du XIXe siècle?

Par Philippe Garon le 2023/06

Entrevue avec Claude La Charité

Invité régulier de l’émission Aujourd’hui l’histoire d’ICI Radio-Canada Première, Claude La Charité a notamment expliqué sur les ondes l’émergence de notre littérature nationale dans six épisodes consacrés à autant de figures marquantes du livre d’ici. En bonifiant ce travail de deux chapitres, le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en histoire littéraire et patrimoine imprimé signe aux éditions du Septentrion une brillante introduction aux pionniers de l’écriture québécoise, bousculant au passage les préjugés dont on l’affuble. Rencontre avec un érudit sympathique.

Philippe Garon – En quoi votre proposition se distingue-t-elle de ce qui a été publié sur le sujet jusqu’à maintenant?

Claude La Charité – Plutôt que d’aborder les écrivains et les écrivaines à partir de notre posture actuelle, en regardant vers l’arrière, j’essaie de me placer le plus possible dans le contexte de l’époque. Et en tant que passionné de la littérature de la Renaissance, j’ai peut-être tendance à les voir différemment. Même si je ne partage pas les idées d’un homme comme Philippe Aubert de Gaspé père, je suis capable d’apprécier ses livres et de mesurer leur importance. J’évite de les juger en fonction des critères d’aujourd’hui. On a parfois tendance à se poser des questions étranges ou à exprimer de drôles de commentaires quand on lit ces leviers de notre patrimoine culturel avec notre perspective d’aujourd’hui. On se rend nous-mêmes coupables d’anachronismes. Par ma méthode d’analyse, je tente le plus possible d’éviter cet écueil.

P. G. – En quoi consiste cette méthode?

C. L. – Sans trop verser dans la théorie, je peux dire qu’elle s’inspire d’un mouvement qui s’appelle « l’esthétique de la réception », qu’on doit surtout à Hans Robert Jauss. On part de la constatation que si le texte est fixe, la lecture, elle, est éphémère. Une fois qu’on est conscient de cette ambivalence, du rôle du destinataire, on peut tenir compte de différents éléments dans notre tentative de compréhension d’une œuvre. Pour moi, cette approche appelle d’abord beaucoup de prudence. Il serait trop facile de regarder la littérature du passé comme dépassée. Ensuite, en tant que chercheur, je m’intéresse à des détails matériels, comme la mise en forme du texte, aux archives entourant un livre, les manuscrits par exemple, ainsi qu’à la trajectoire de certains exemplaires, que révèlent parfois les annotations et les dédicaces. 

P. G.  – Entre les mains de qui aimeriez-vous que L’Invention de la littérature au XIXe siècle se retrouve?

C. L.  – Je crois que ce livre peut être utile aux étudiants, aux étudiantes et à leurs profs des cégeps et universités, mais comme j’ai fait un réel effort de vulgarisation, ça devrait plaire à tout le monde! Je suis particulièrement content de l’iconographie qu’on a incluse dans le livre. Beaucoup de gens s’intéressent à l’histoire, beaucoup à la littérature, mais peu à l’histoire de la littérature. Le « présentisme » ambiant me préoccupe; on rend le passé coupable de tous nos maux actuels. Ce que je voulais surtout démontrer, c’est qu’on se trompe en disant que cette littérature est sans intérêt et qu’elle est uniforme. J’aimerais qu’on se décrispe par rapport à nos figures littéraires du XIXe. Qu’on envisage leur écriture comme un continent inconnu, riche en découvertes possibles qui peuvent nous en apprendre beaucoup sur nous.

Claude La Charité, L’Invention de la littérature québécoise au XIXe siècle, Septentrion, 2021, 162 p.

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