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Les pesticides sur les gazons urbains

Par Mathieu Perchat le 2023/05
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Les pesticides sur les gazons urbains

Par Mathieu Perchat le 2023/05

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

                Avec l’arrivée du printemps, la bataille pour arborer devant sa maison un gazon parfaitement vert et court va débuter. En effet, au BSL aucune régulation sur l’usage des pesticides en milieu urbain et résidentiel n’est avancée. Or cette question devrait être abordée très rapidement en raison des impacts de santé que ces produits causent.

Selon une étude menée par l’Institut national de santé publique du Québec en 2001, une recommandation dans l’usage et l’accessibilité était promulguée. Et nous sommes en 2023, aucune restriction ou sensibilisation n’est produite par les municipalités. Or, il faut rappeler que plusieurs pays de l’Union Européenne ont déjà interdit depuis certaines années l’usage de pesticides dans l’espace, en raison de leur impact sur la santé. Impact qui est aussi confirmé par l’étude réalisée par l’Institut national de santé publique du Québec. Au Québec, peu de villes ont limité leurs usages, comme Montréal, Granby ou encore Boucherville.

Leur dangerosité

                On peut apprendre par l’étude de l’INSPQ que la vente de pesticide a augmentée de près de 600 % dans les dix dernières années. Ces ventes sont réalisées pour un but principalement esthétique. Cette augmentation a entrainé une forte inquiétude de la part de nombreux citoyens ainsi que les professionnels de santé publique (INSPQ, 2001, p. 1).

Or ces produits ont des effets néfastes sur les populations plus vulnérables comme pour les enfants ou les personnes en situation de grossesses. En effet, des études épidémiologiques suspectent un risque accru de contracter certaines formes de cancers chez les enfants exposés à des pesticides en milieu résidentiel, ou lorsque les parents le sont durant la grossesse (INSPQ, 2001, p. 4). Par exemple, les études menées par Buckley et al. (1989), Meinert et al. (1996), ou encore celles de Lowengart et al. (1987) ont mis en évidence l’association entre l’exposition à des pesticides et la contraction de leucémie chez les enfants exposés et les parents en situation de grossesses (INSPQ, 2001, p. 4).

Parmi les produits qui inquiètent le plus, on retrouve le 2,4-D, un des herbicides les plus utilisés pour l’entretien des gazons. Or ce produit est encore en vente libre dans les espaces dédiés malgré sa nocivité et son caractère cancérigène soient établis actuellement (voir Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail) [1] .

Donc, en raison de la nocivité reconnue de ces produits, une prudence est justifiée lors de son usage, mais surtout lors de la prise de décision d’utiliser ou non ces produits. Il apparait clairement qu’une limite de leur usage dans les lieux fréquentés par les populations vulnérables, comme dans les lieux publics, les cours d’écoles, garderie, parc et terrains de jeux, devrait être appliquée le plus rapidement possible (INSPQ, 2001, p. 10). Faut-il rappeler que plusieurs pays de l’Union Européenne ont interdit son usage, mais aussi ont interdit l’épandage de pesticide et herbicide dans les villes en raison de leur impact sur la santé.

L’accessibilité

                Une partie de la population pourrait présenter une opposition face à une interdiction d’utiliser les pesticides à des fins esthétiques. Souvent les raisons invoquées mobilisent la croyance de leur efficacité, une intolérance immodérée pour les mauvaises herbes et les insectes, mais aussi pour aller dans le sens d’une pression sociale, et surtout un manque d’informations sur les potentiels risques avérés sur la santé. L’absence de connaissance des alternatives entre également souvent en jeu.

Il faut également préciser que l’application des pesticides conserve leur caractère nocif malgré une application réalisée par des professionnels ou des particuliers. L’exposition aux pesticides ne se limite pas au gazon, leur concentration est également significative dans les maisons avant et après l’application (INSPQ, 2001, p. 11).

Ainsi, l’un des problèmes majeurs réside dans la facilité de procuration des pesticides. Ces produits ne devraient pas être en libre-service, avec aucune limite d’achat sur les quantités. Le fait que les produits nécessitent la mobilisation d’un.e commis pour s’en procurer permettrait de véhiculer l’information sur le respect de pratiques sécuritaires et sur les risques pour la santé. Le consommateur a un droit de savoir sur la dangerosité du produit acheté.

« Il est probable que les consommateurs seraient plus tolérants face aux organismes nuisibles s’ils connaissaient mieux les risques découlant de l’usage de produits antiparasitaires. Brodeur et al. (2000) notent par ailleurs que seule l’éducation du public peut modifier la perception négative de la population face aux mauvaises herbes et aux insectes. » (INSPQ, 2001, p. 13). Par exemple, en France, ces pesticides « tueurs d’abeilles » sont formellement interdits depuis le 1er septembre 2018.

Plusieurs recherches ont été menées sur l’utilisation des pesticides et leur nécessité. Et il en est ressorti qu’il était possible de réduire de 61 % en moyenne l’utilisation des pesticides pour l’ensemble des pelouses à l’étude (INSPQ, 2001, p. 13).

Sur cette voie, Solutions Alternatives Environnement (SAE) a aidé plusieurs municipalités à construire une réglementation anti-pesticides plus efficace que l’actuel Code provincial en vigueur depuis 2003. Dans la même veine, et cette fois-ci pointant leur utilisation dans le monde agricole, et selon une étude publiée en 2017 dans Nature Communications, il est possible de réaliser un virage vers un modèle d’agriculture 100 % biologique tout en répondant aux besoins alimentaires de l’humanité.

Sources

Réflexion sur l’utilisation des pesticides en milieu urbain, par Groupe scientifique sur les pesticides Direction de la toxicologie humaine Direction des risques biologiques environnementaux et occupationnels, Institut national de santé publique du Québec, Décembre 2001.

https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/2023-04-08/nouveau-code-sur-les-pesticides/des-appels-a-limiter-l-usage-de-glyphosate.php?utm_content=245017512&utm_medium=social&utm_source=facebook&hss_channel=fbp-117926081552324&fbclid=IwAR1o4IT5YVTKdGugUnluRN4roBrRDkd4ksOqeE5SFuabzFfmGq6tJl8Lz4Y

[1] https://reptox.cnesst.gouv.qc.ca/pages/fiche-complete.aspx?no_produit=562

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