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La crise du logement, plus complexe qu’on pense

Par Mathieu Perchat le 2023/01
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La crise du logement, plus complexe qu’on pense

Par Mathieu Perchat le 2023/01

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

                Les nouvelles mesures prises par la ville de Rimouski pour endiguer la crise du logement nous amènent une interrogation : outre l’évidence du manque de logement, on serait en droit de se demander si cette difficulté rencontrée par les villes ne surviendrait pas d’une orientation plus systémique que ce simple constat très pragmatique.

Reprenons depuis le début ce que cette crise décrit. En quelques mots, elle relève de l’abordabilité des logements qui correspond à l’accès à un logement décent pour un loyer juste. Elle traduit aussi la difficulté à trouver des logements libres.

Le problème de l’abordabilité s’est généralisé au cours de la dernière décennie (SCHL, 2022, p. 7). Entre autres par la hausse démographique et de revenu ainsi que des baisses des taux d’intérêt sur une longue période.

La solution, toute simple mais avec des moyens qui le sont moins, serait de construire plus de logements, comme des immeubles résidentiels réaménagés en plusieurs logements, le réaménagement de bâtiments industriels et commerciaux (SCHL, 2022, p. 7). Moyens qu’a déjà sélectionnés la ville de Rimouski.

Or, selon le rapport de la Société canadienne d’hypothèque et de logement, et les dires du Maire de Rimouski, « la construction d’un logement supplémentaire pour un ménage supplémentaire en période d’inabordabilité généralisée signifie qu’il n’y aura pas suffisamment de logements construits. La pénurie systématique et historique de logements se perpétuera » (2022, p. 16). Cette solution à court terme doit alors être suivie d’autres actions d’une tout autre nature.

                Le problème serait alors bien plus profond, de l’ordre d’une certaine idéologie qui structure et conditionne notre manière d’habiter. Regardons ce qui fonde ces fondations.

Au lendemain de la Seconde Guerre, des programmes gouvernementaux ont été déployés pour encourager l’accès à la propriété privée pavillonnaire. Ce qui a participé à la construction du rêve américain. Au point où la vision de la maison individuelle de banlieue est devenue indissociable de la réussite économique et de l’ascension sociale (Hayder, 2002, p. 30).

Posséder sa propre maison dans une banlieue est compris aujourd’hui comme un développement organique, « le résultat d’un besoin naturel d’espace » (Kern, 2019, p. 42) pour construire une famille. Or, cette manière de concevoir l’habiter est le fruit d’une volonté politique pour produire une société conservatrice et soutenir la croissance économique. Les banlieues et pavillons sont tout sauf naturels.

En raison de toutes ces valeurs qui entourent la maison individuelle et pavillonnaire, comment peut-on revaloriser le vivre-ensemble, dans des plus petits espaces partagés ? Car actuellement, vivre en colocation, dans des immeubles, ou dans d’autres collectivités, c’est surtout perçu comme un déterminisme et non un choix. Un déterminisme qui découle de contraintes économiques et matérielles.

Il faudrait redonner un sens à vivre ensemble, dans de petits espaces. Et construire des lieux sains dans lesquels vivre (en repensant la ville pour la rendre agréable à vivre).

Sources :

Société canadienne d’hypothèques et de logement, Pénurie de logements au canada : estimation des besoins pour résoudre la crise de l’abordabilité du logement au canada d’ici 2030, SCHL, 2022.  

Dolores Hayder, Redesigning the American Dream : Gender, Housing and Family life, New York, W.W Norton, 2002

Lesli Kern, Ville Féministe. Notes de terrain, Toronto, Édition remue-ménage, 2019, p. 41-45.

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