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Le quartier projeté à Pointe-au-Père: Ou comment continuer à faire la même chose

Par Mathieu Perchat le 2023/02
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Le quartier projeté à Pointe-au-Père: Ou comment continuer à faire la même chose

Par Mathieu Perchat le 2023/02

L’auteur fait partie de l’Initiative de journalisme local

                Lors de la prise de parole du maire de Rimouski, Guy Caron le 19 janvier concernant les mesures sélectionnées pour lutter contre la crise du logement, aucune allusion n’a été faite concernant leur impact écologique.

Pour voir une référence à la crise écologique (qui est aussi une crise du logement mais généralisée), il faut parcourir le Plan de Lutte, aller à la page 4, et lire un petit paragraphe qui dit « La construction accélérée de nombreuses habitations est aussi une occasion d’orienter le développement de la ville vers un modèle plus respectueux de nos écosystèmes et du climat, un modèle plus résilient. ». Et donc, pour réaliser cette nouvelle orientation respectueuse de nos écosystèmes, l’une des premières mesures consiste à investir un espace non urbanisé, loin du centre-ville, qui plus est, qualifié de zone humide, pour construire des condos.

Bien entendu, la ville et le maire ont précisé qu’une volonté de conserver un maximum les espaces pour créer un milieu de vie va guider les travaux. Mais avant de se réapproprier des espaces naturels, ne faudrait-il pas mieux de revoir nos espaces urbanisés pour les concevoir à leur tour comme des milieux de vie ?

Cette crise du logement est une occasion de revoir la conception de la ville, la place des industries, des moyens de locomotion et des rénovations de bâtiments à l’abandon. Et non de perpétrer cette idéologie de l’expansion urbaine.

                Car il y a une chose majeure qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’il nous reste que deux années pour limiter la hausse de la température mondiale à 1,5 °C. Plus exactement et selon le rapport du GIEC de 2022, il faut que nos émissions de gaz à effet de serre cessent d’augmenter d’ici 2025, et que ces mêmes émissions diminuent de moitié en 2030. Pour y parvenir, le dernier rapport du GIEC propose tout un ensemble de solutions réalisables par les pays et les municipalités. Et l’une d’elles stipule qu’une lutte efficace réside dans la préservation des écosystèmes ; et cela indépendamment de la présence d’espèces vulnérables.

Et ce n’est pas en construisant des lotissements neufs sur des espaces humides, situés en périphérie de la ville (donc nécessitant encore davantage de véhicules), que l’on va réussir ce défi. Il est tout de même très paradoxal de détruire des espaces de vie pour en construire un et le qualifier de « milieu de vie ». Est-ce que cela voudrait dire que la vie non-humaine vaut moins que le confort de vie humaine ? Cela en a tout l’air. Peut-on alors aujourd’hui avec nos défis, soutenir semblables projets muent par une idéologie pareille ?

De plus, la localisation de ce projet de quartier éloigne les futurs résidents et résidentes loin du centre, nécessitant des moyens de transport. La voiture électrique n’est absolument pas une solution, car l’électricité produite provient de barrages qui sont un fort émetteur de vapeur d’eau, un gaz à effet de serre très puissant (ce moyen de locomotion est un outil de lutte à très court terme, mais aucunement une solution).

Ainsi, au lieu de mobiliser des ressources humaines, techniques, intellectuelles dans la création de nouveaux espaces sur un lieu naturel, il faudrait les utiliser pour repenser la ville. Avoir le courage de le faire. Car on a deux années. Deux années. Et les solutions sont déjà à notre portée, car elles sont déjà proposées et documentées dans le rapport du GIEC. Attirons des personnes compétentes pour traiter ce dossier et non des investisseurs qui veulent faire du profit au détriment d’une habitabilité générale.

Sources :

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1950564/pointe-pere-nouveau-quartier-milieu-vie-details-rimouski-ville?fromApp=appInfoIos&partageApp=appInfoiOS&accesVia=partage&fbclid=IwAR0r2FDwXzJC4x2uaUcmRM_Ydege3tIkQBgs7IkrKS005qj12g4vAx5aUTY

Ludivine Cozette, Ghislaine Tandonnet-Guiran, Jérôme Boutang, Mark Tuddenham, Colas Robert, « 2em volume : adaptation », 6em rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), Citepa, 2022. https://www.citepa.org/wp-content/uploads/Citepa_2022_03_d01_INT_GIEC_Adaptation_AR6_Vol2_VF.pdf

La vapeur d’eau comme gaz à effet de serre :

Sherwood, Steven C., Vishal Dixit, and Chryséis Salomez. « The global warming potential of near-surface emitted water vapour. » Environmental Research Letters 13.10 (2018): 104006.

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