
Selon le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, « la notion de stage étudiant est abordée essentiellement comme une activité d’apprentissage1 ». Il s’agit plus précisément de développer les compétences et le professionnalisme des étudiant·e·s, mais rien ne laisse penser qu’il s’agit de travail. Il s’agirait plutôt d’expériences. Les étudiant·e·s ne sont pas des pots vides qui se remplissent avec le temps, ils et elles donnent également.
Il est important de comprendre qu’il s’agit ici de « travail gratuit » et que les organismes et les entreprises tirent parti du travail des stagiaires. En effet, un stage peut prendre jusqu’à des centaines d’heures dans la vie d’un ou d’une stagiaire. Sachant que tous les stagiaires doivent payer les frais de scolarité associés à leur stage, ils et elles ont généralement d’autres heures à donner dans d’autres emplois rémunérés.
Selon les données les plus récentes de 2021, à l’Université du Québec à Rimouski, on comptait 2 466 étudiant·e·s. Le cas des stagiaires en enseignement permet de constater le flagrant problème mathématique (et financier) que représentent les heures de stages impayées.
D’après les données trouvées, « le baccalauréat […] comporte quatre stages en milieu scolaire, un chaque année. Plus de 720 heures de formation se réalisent donc dans les écoles2 ». Si les stagiaires étaient rémunéré·e·s au salaire minimum actuel (ce qui est un salaire largement insuffisant), on devrait leur verser une somme de 10 260 $ pour l’ensemble de ces heures.
En ce qui concerne les techniques en soins infirmiers, c’est plus de la moitié du parcours qui est effectué en stage, et en technique d’éducation spécialisée, c’est presque le tiers du parcours. Les stagiaires se font exploiter, il est temps que ça s’arrête. Sans elles, sans eux, les milieux publics et privés seraient probablement en grande détresse. Et si on en venait à une perte de main-d’œuvre gratuite pour ces milieux? On peut vite imaginer l’ampleur que ce travail gratuit prend dans notre système de santé publique si on considère tous les stages de tous les niveaux effectués à l’échelle provinciale, en commençant par les nombreux DEP, dont celui pour devenir préposé·e aux bénéficiaires, milieu dont le manque de personnel a souvent fait la manchette dans les dernières années…
Selon l’anthologie Grève des stages, grève des femmes (2016-2019), « le capital et l’État sont les gagnants à faire payer les étudiant·e·s pour leur travail en plus de profiter de leurs dettes. Sachant qu’une session universitaire est d’environ 1 800 $ par trois mois, c’est plus de 14 000 $ qui est dépensé. Les études ne devraient plus être vues comme un moment séparé de la vie, mais plutôt un moment pour agir sur ce qui se déroule actuellement, pour agir sur les conditions de travail3. »
Il n’y a aucun doute : « Les étudiants sont nécessaires et n’ont jamais été aussi sollicités par et sur le marché du travail de la reproduction sociale au service à la clientèle, en passant par le travail saisonnier, les membres de la communauté étudiante bouchent les nombreux trous laissés par la pénurie de main-d’œuvre et la crise sanitaire. Plus encore, ils et elles occupent des emplois rémunérés similaires, voire identiques, à leurs stages, qui restent sans salaire. La frontière imaginaire entre l’école et le travail s’effrite de jour en jour, ce qui met en lumière l’importance du travail étudiant et des stages pour le bon fonctionnement de la société capitaliste4 ».
1. Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Stages étudiants, programmes d’études professionnelles, techniques et universitaires. Portraits, enjeux et pistes de solutions, 2019.
2. Université du Québec à Rimouski, « Baccalauréat en enseignement », 2022, https://www.uqar.ca/etudes/etudier-a-l-uqar/programmes-d-etudes/7080
3. Collectif, Grève des stages, grève des femmes. Anthologie d’une lutte féministe pour un salaire étudiant (2016-2019), Les éditions du remue-ménage, 2021.
4. Camille Delrieu, Catherine Fontaine, Éloi Halloran, Dahbia Illoul, Camille Tremblay-Fournier, Michelle Jobin, « Le combat des stagiaires reprend », Montréal Campus, 8 mars 2022, https://montrealcampus.ca/2022/03/08/le-combat-des-stagiaires-reprend-2/