
Il y a eu les Jeux olympiques d’hiver de Pékin sur 100% de neige artificielle; la coupe du monde de soccer au Qatar se déroulera sous d’immenses stades à ciel ouvert climatisés; les Jeux asiatiques d’hiver en Arabie saoudite se feront en plein désert; aussi, la COP 27 sera commanditée par Coca-Cola. Plus la conscience écologique des peuples s’allume, plus la voracité des puissants décideurs augmente.
Qu’est-ce que les COP ?
Chaque année, vers la fin du mois de novembre, a lieu une grande conférence des Nations Unies sur le climat : la COP. Fortement médiatisées et réunissant souvent entre 20 000 et 30 000 personnes, ces rencontres internationales, qui s’étendent sur deux semaines, sont l’occasion pour les États de faire le point sur leurs actions pour diminuer leur empreinte sur le climat et de discuter de ce qui devrait être fait pour éviter un dérèglement majeur du système climatique.[1]
L’an passé, l’ONG Global Witnesson constatait que si l’industrie des combustibles fossiles était un pays, elle aurait de loin le plus grand nombre de délégués à la COP26.
On peut s’interroger sur l’utilité de réunir annuellement la communauté internationale pour discuter des changements climatiques, et se demander si les COP aident réellement à résoudre la crise écologique actuelle.
Pour le savoir, j’ai contacté deux écolos d’expérience : Jonathan Durand Folco (professeur à l’École d’innovation sociale de l’Université Saint-Paul et essayiste) et Chantal Levert (militante écologiste de longue date).
Chantal, que peut-on espérer de la COP 27 sur le climat qui se déroulera en Égypte?
Perso, comme beaucoup, j’y ai cru les 4-5-6e fois… Moins les 10-12-13e fois… Plus du tout après 20 ans. Et depuis 10 ans, je suis carrément contre ces réunions d’élites qui font perdre temps, argent, espoir et énergie.
Voici la liste des derniers commanditaires des diverses COP :
– COP 24 en Pologne : Groupe JSW, le premier producteur de charbon à coke de l’Union européenne.
– COP 25 en Espagne : SURA, une multinationale d’investissements bancaires et d’assurances à holding visée par des évitements fiscaux dans des offshores.
– COP 26 en Écosse : Unilever, une multinationale tentaculaire propriétaire notamment de Vaseline, Lipton, Vim, Alberto VO5 et une centaine de marques de shampooing, savons et produits jetables pleins de microplastiques, teintures et autres merdes polluant les mers.
– COP 27 en Égypte : Coca-Cola… que dire…
Les GES, catastrophes météorologiques et déplacements d’humains ont augmenté en flèche et à contrario, le nombre d’animaux et d’espèces animales et la diversité des écosystèmes se sont effondrés depuis les 30 années de COP, qu’elles portent sur le climat ou la biodiversité. Ça fait 30 ans que les traités non seulement déçoivent lorsque signés, mais qu’ils ne sont même pas respectés.
Si la société civile veut s’exprimer au sujet du climat ou de la vie, elle fait mieux d’aller aux forums sociaux que de participer à ces G7 de l’écoblanchiment, commandités par les pires pollueurs créateurs d’injustices sociales. Participer à ces G7, c’est être les idiots utiles d’une élite dont la priorité n’est certainement pas la nature, ni même l’humanité.
Quand à elle, la Convention sur la diversité biologique (COP15) se déroulera en novembre à Montréal. Jonathan, comment décris-tu cet événement?
La prochaine « conférence des parties » liée à la Convention sur la diversité biologique (COP15) est une véritable mascarade. Sous un discours bienveillant et généreux, plaidant pour la protection de 30% des terres et des océans d’ici 2030, des collaborations avec les peuples autochtones, et le souhait d’opérer un « changement transformationnel, des innovations et une prise en compte adéquate de la vraie valeur de la nature dans les prises de décisions dans tous les secteurs », le SPVM prévoit dépenser au moins 25 millions de dollars pour les forces de l’ordre pour assurer la « sécurité » lors de cet événement. Selon la Ville, « il s’agira du plus important déploiement policier du SPVM depuis près de 20 ans. » Rien de moins.
Notre société est tellement malade et irrationnelle que les ressources déployées lors de telles rencontres internationales visant à « protéger la nature » visent d’abord à payer des chambres d’hôtel, des banquets, des billets d’avion, des galas, de grandes salles, une orgie de policiers et tout un arsenal de moyens répressifs contre les manifestants qui se mobilisent pour la justice climatique. Au lieu de financer la transition socio-écologique, nous finançons les élites et les forces policières dont l’objectif premier est de protéger le statu quo.
À titre de rappel, la quasi-totalité des États à travers le monde n’a pas tenu ses engagements en matière de lutte contre les changements climatiques dans les dernières décennies. Alors qu’il est minuit cinq et que nous vivons la sixième extinction de masse (70 % des populations d’animaux sauvages ont disparu depuis 1970), les populations élisent des gouvernements de droite et d’extrême droite un peu partout sur la planète, une armée de chroniqueurs et de médias de masse diabolisent les wokes, les écologistes et les radicaux, alors que les lois antiterroristes, les budgets policiers, les dispositifs de surveillance et les moyens de contrôle se multiplient pour endiguer la contestation de l’ordre établi.
Nous ne sommes pas à la hauteur de l’époque. La peur de l’insécurité économique, de la guerre et du cataclysme climatique nous empêche de constater que la guerre pour le climat a commencé depuis longtemps, et que l’humanité est en train de perdre ses premières batailles décisives. La solution du dialogue a échoué, et bien qu’il faut à tout prix sauver l’esprit de la démocratie qui a disparu depuis un bon moment de nos institutions, il faut faire revivre la démocratie entre nous, dans le camp de l’émancipation, et non dans une naïve tentative de discuter avec les pouvoirs établis.
La voie généreuse du dialogue avec les industries pétrolières, les élites économiques, les gouvernements conservateurs et les gens hostiles à la transformation des modes de vie est non seulement un leurre, mais une stratégie qui nous faire perdre un temps précieux que nous n’avons plus le luxe de gaspiller en bonnes intentions. Nos adversaires ne jouent pas cette « game », et ils le savent depuis longtemps. Nous devons réapprendre à confronter, à devenir « dangereux » pour le pouvoir, à surprendre, à sortir des sentiers battus, à élargir le répertoire d’actions collectives au-delà des gentilles manifestations et des « pactes pour le climat » qui n’ont trop souvent qu’un impact politique de pacotille.
Il faut reconnaître sérieusement que le système dans lequel on vit est profondément vicié, qu’il ne fait que multiplier les cercles vicieux qui nous enferment dans l’impuissance collective. Il faut voir que derrière le discours généreux de la Transition, qui s’est retourné en pure idéologie, il y a la violence systémique de l’ordre établi qui nous transforme en sujets passifs, soumis, dociles et hébétés.
Après le diagnostic, quelle doit être la pratique : que faire?
Premièrement, admettre que nous avons échoué dans les précédentes batailles, que les victoires partielles ici et là n’ont pas endigué le désastre. Ensuite, il faut tirer les leçons, implications logiques et conséquences pratiques de cet échec, en changeant de stratégie et de tactiques.
[1] https://climatoscope.ca/article/changements-climatiques-a-quoi-servent-les-cop/