
La domination des sciences de la nature au sein du groupe d’expert·e·s, au détriment des sciences sociales. Les dimensions sociales, culturelles et économiques des changements climatiques sont effacées au profit d’une définition physique et chimique.
Alexandre Dion-Degodez, auteur du mémoire La construction sociale des changements climatiques au Québec
Fuck l’environnement ! L’environnement est un concept trop vaste et abstrait pour que ça rentre dans une noix humaine. Aussi bien passer le Soleil dans l’urètre d’une mouette ou lutter contre l’intégrisme religieux en tirant du gun vers le ciel en espérant toucher Dieu.
« Prends soin du CLIMAT ! » J’essaye, mais ça l’a pas de pogne un CLIMAT. Ça ne se ramasse pas par les trois trous comme une boule de quilles. « Pense à l’atmosphère ! » De quessé, pense à l’ATMOSPHÈRE ? Quand j’y pense, me vient juste l’image de Guillaume Lemay-Thivierge en parachute avec ses joues musclées qui ballottent au vent… Si c’est ça l’atmosphère, pas sûr que j’aie envie de la sauver. La crise n’est pas environnementale, elle est humaine. C’est ce mammifère prétentieux qu’il faut aider, ou chasser. Pour aider l’environnement, arrêtons de parler d’environnement. Ce mot, il faut l’ouvrir comme un cadavre, l’autopsier pour trouver les causes de son agonie.
Notre environnement, c’est ce qui lie ensemble la santé mentale, l’urbanisme, la police, la justice sociale, le patriarcat, le colonialisme, les vedettes, la spiritualité, le sommeil, le manque de temps quotidien et l’investissement d’argent dans une guillotine pour se payer la tête du Conseil du patronat. Voilà, les thèmes concrets qui touchent à la lutte aux changements climatiques.
Depuis que l’Occident a fait siennes des expressions telles que « le capital naturel », « le temps, c’est de l’argent », « le client est roi », « le pouvoir d’achat », « les Morissette », la civilisation a basculé dans une crise spirituelle grave. L’Occident a tué Dieu le Père pour ensuite baiser sa mère la Terre. C’est le complexe d’Œdipe. Nous vivons un mythe grec apocalyptique. L’humanité a davantage besoin d’une psychanalyse que d’énergies renouvelables. Y’a pas un côlisse de panneau solaire photovoltaïque, de pale d’éolienne ou de centrale géothermique qui sauvera nos âmes dans ce système. Le capitalisme œdipien épuisera nos réserves de vent et tarira le soleil de ses derniers rayons pour nourrir les panneaux ; il manquera d’éternité à vendre au temps de travail ; il touchera le fond d’un trou noir exploité ; il monétisera jusqu’à l’antimatière ; il aménagera le paradis pour y vendre des bungalows à tous ceux qu’il aura tués à la tâche ici-bas ; la grande faucheuse, blasée, gardera ses bigoudis du matin pour nous liquider sans raffinement ni effort. Une croissance infinie ruinerait même un univers sans limite. Les crises écologiques ne se résument pas à régler un problème technique. « Shell va devenir vert en capturant le carbone ! » Pis moé, je vais régler mon problème d’insomnie avec un capteur de rêves. Espérer qu’un progrès scientifique tout puissant nous sauve relève d’une foi d’intégriste religieux ; d’une candeur kamikaze de l’ignorance enflammée que nous déclame Hélène Monette en fumant une smoke sur son étoile filante.
Le bitcoin, gouffre environnemental, plus énergivore qu’un pays.
Reporterre, avril 2021
La technoscience nous donne des outils extrêmement performants. Pis ça, des outils, ça excite les messieurs. Faut s’en servir : de la pelle mécanique jusqu’aux satellites spatiaux. Jouer avec nos outils. Dompter la nature avec nos engins. Conçue pour l’homme, elle doit être exploitée. Une forêt laissée vierge est une perte d’argent. Ça fait pleurer nos outils. Un terrain vague en ville est un outrage à la prospérité. Une planète sans colonisation donne la gratouille à nos fusées bandées. Dans le capitalisme patriarcal, la virginité incarne un lieu à exploiter : la nature ou la femme, vendues au plus offrant pour étancher une soif de conquête territoriale ou d’un soir.
Ce sont aux dimensions sociales, culturelles et économiques des changements climatiques dont il faut s’attaquer politiquement. L’environnement, lui, laissons-le tranquille.