
Les gouvernements d’Ottawa et de Québec ont de grandes responsabilités en matière de lutte aux changements climatiques, mais le palier municipal tout autant. Les villes ont le pouvoir et le devoir de préparer dès maintenant la révolution écologique pour le bien commun et la sécurité de leurs citoyens et citoyennes. Les décisions prises au municipal influencent la manière dont la ville est construite, notre manière de nous y déplacer, de consommer et d’entrer en relation les uns avec les autres.
Mais comment se positionnent concrètement nos élu.e.s municipaux rimouskois face aux crimes climatiques? Vivent-ils encore dans le mirage du capitalisme et du rêve d’une croissance infinie dans un monde aux ressources finies? Voyons voir ce qu’il en est en revisitant certains de leurs points de vue face à divers enjeux écologiques.
Grégory Thorez, conseiller de Sainte-Odile
L’élu, qui en est à son deuxième mandat, approuve la construction d’un Costco en prônant « la libre entreprise ». Cette idéologie désigne un système économique capitaliste où les activités des entreprises connaissent le moins de restrictions possibles, tant écologiques que sociales.
L’élu se justifie : « nous représentons tout le monde et être élu ne nous donne pas le droit de donner des leçons aux gens sur ce qu’ils doivent faire et sur où ils doivent magasiner. »1 Ainsi, selon M. Thorez, empêcher la construction d’une succursale d’une multinationale ultra-polluante, dont les chaines d’approvisionnement s’étendent aux quatre coins du monde, reviendrait à donner des leçons de magasinage… Mais n’est-ce pas le rôle d’un élu que d’être un garde-fou contre les projets nuisibles pour la population et la nature ? La science est claire depuis longtemps à ce sujet : considérer que nous avons encore le choix, oui ou non, de construire un autre Costco, c’est vivre dans un monde révolu.
D’autres élus partagent également ce point de vue pro-Costco, tels Rodrigue Joncas, Sébastien Bolduc, Cécilia Michaud et Dave Dumas.2 Les conseillers ont uniment clamé à tour de rôle leur amour pour la multinationale abonnée au paradis fiscaux : « J’y suis favorable, totalement ». Quand au conseiller de Saint-Robert, Jocelyn Pelletier, il approuve, mais nuance sa position ainsi : « Il appartient à chacun d’appuyer l’achat local. »
Mélanie Beaulieu, conseillère du Bic
Celle qui est directrice générale et cofondatrice du concessionnaire Auto BSL se décrit ainsi : «Comme je suis diversifiée dans mes domaines d’intérêt, en 2018 je suis devenue copropriétaire d’un circuit de course automobile très populaire dans le centre du Québec.»3
Est-il légitime de douter de la bonne volonté écologique d’une élue qui investit son temps et son argent à développer une immense piste de course pour que des bolides brûlent du gaz en tournant en rond?
Rodrigue Joncas, conseiller de Nazareth
Le lundi 20 juin 2022, le comité en environnement de l’école Paul-Hubert s’est présenté au conseil de Ville (en suivant bien le décorum) pour demander poliment aux élu.e.s un plan d’action radical face à l’urgence climatique et à l’idéologie capitaliste qui nous gangrène.
Le maire suppléant, monsieur Joncas, leur a répondu mollement ceci : « Je suis heureux que vous ayez mentionné que nous n’avons pas à vous répondre tout de suite. (…) La mission qu’on s’est donnée à la Ville, ce qu’on attend de nos gestionnaires, de nos élu.e.s, de nos employés, c’est de toujours avoir une sensibilisation, une sensibilité à la cause environnementale. (…) On peut pas tout faire la même journée. (…) Malheureusement, les citoyens qui nous ont élus ne s’attendent pas à ce qu’on le fasse aussi rapidement. »4
Cet avocat de profession, qui en est à un cinquième mandat, rejette l’immobilisme des élu.e.s sur le dos du citoyen moyen qui ne serait pas prêt à de tels changements. Comment le sait-il? Selon quelle consultation? Est-ce lui, la majorité silencieuse? Heureusement, l’avocat nous rassure en disant que les employés de la ville sont sensibilisés aux causes environnementales. Tout comme sur le Titanic, les marins étaient sensibilisés à la noyade pendant le naufrage.
Le comité en environnement de l’école Paul-Hubert a finalement rencontré le maire Guy Caron et les étudiantes sont sorties bien déçues. L’une d’elles résume leur entretien : « Il a voulu nous voir pour nous montrer qu’il y a pas grand-chose qu’on peut changer. Peut-être un manque de volonté, caché derrière ce fameux manque d’argent. Néanmoins nous poursuivrons de collaborer avec la mairie afin que les citoyens inquiets soient pris au sérieux. »
Philippe Cousineau Morin, conseiller de Saint-Germain
Après la démolition de la Grande Place et la construction d’une tour à logements de luxe par le Groupe Sélection, le conseiller affirmait que « le projet de logements et d’un espace commercial au centre-ville est un énorme plus » et « constitue une avenue fort souhaitable, tant du point de vue climatique, communautaire… ». J’avoue ne pas comprendre sa logique. Les loyers de base varieront de plus de 1 350$/mois pour un petit studio à plus de 3 253$/mois pour un logement de cinq pièces et demi. En quoi une nouvelle tour en béton de luxe, d’immenses parkings et des magasins inutiles amélioreront le climat et la vie communautaire? Nous sommes ici loin d’une saine densification urbaine inclusive.
De plus, monsieur Cousineau Morin ainsi que le maire sont en faveur de la construction d’un immense stationnement étagé derrière le Musée de Rimouski.5 Pourtant, nous savons que pour lutter contre les canicules causées par la crise climatique, les villes doivent remplacer les voitures par des arbres et végétaliser les espaces urbains afin de réduire les îlots de chaleur et le transport motorisé individuel.
Comme l’a écrit sur Facebook le conseiller de St-Germain : « On améliore la ville, un arbre à la fois. » Le capitalisme tremble de toutes ses feuilles.
Guy Caron, maire de Rimouski
Une des promesses phares de la campagne électorale de notre maire était de « favoriser la venue d’un Costco ». Pourquoi favoriser un Costco (qui augmente la surconsommation et les déchets), alors que nos sites d’enfouissement sont les plus grands émetteurs de GES de la région?
La manière dont le maire voit le développement urbain est pour le moins inquiétant. Le 19 juillet 2022, il disait : « Une Ville fonctionne selon différentes contraintes. Il faut en être conscient. On nous dit par exemple qu’il faut aller vers une décroissance, mais ce n’est pas réaliste. »6 On passera le message au GIEC qui prône justement la décroissance.7
Le maire Caron considère également que l’avion, ce moyen de transport ultra polluant, est synonyme de développement positif à encourager. En effet, suite à l’annonce des vols à 500$ maximum vers plusieurs destinations au Québec, le maire de Rimouski a déclaré que «le transport aérien est un vecteur de développement économique pour nos régions». Il s’est réjoui du fait que le rabais entre en vigueur «juste au moment où les Québécois et Québécoises commencent à planifier leurs vacances».
En matière de transport qui saccage la nature, le maire Caron est aussi en faveur du parachèvement de l’autoroute 20. Encore là, le discours écologique est ignoré.8 «Ce projet ne s’inscrit dans aucune logique de développement responsable de notre territoire et va même à l’encontre des recommandations des scientifiques face aux problèmes environnementaux et climatiques.», affirme le militant écologiste Sébastien Rioux, qui propose plutôt, notamment, d’améliorer la route 132.
Bilan
Comme le souligne le groupe écologiste Rimouski en transition, les paroles et les promesses restent creuses : « La Ville de Rimouski n’a mis en place aucun plan et chantier depuis qu’elle a adopté la Déclaration d’urgence climatique en 2018. Engagement qui faisait partie de la déclaration. »
Ne serait-il pas temps de rassembler toutes les énergies et volontés humaines possibles afin de mener un plan d’action d’envergure pour une véritable décarbonation des villes, pour une réduction drastique des énergies (fossiles et électriques), pour redonner du pouvoir et de l’autonomie aux citoyennes et citoyens?
J’invite nos élu.e.s à visionner cette courte conférence pour les sensibiliser à la décroissance : Décolonisons notre imaginaire de Yves-Marie Abraham. Ainsi que Aurélien Barrau, On est en train de tuer la vie sur Terre.