
Vous souvenez-vous de cette époque où François Legault, encore incertain de sa prochaine manœuvre politique, hésitait à former un nouveau parti? On était au début des années 2010 et la CAQ, encore naissante, se questionnait sur ce qu’elle allait devenir. Comme aujourd’hui, son objectif le plus cher était de conquérir le pouvoir. L’ancien ministre péquiste désirait alors sortir les Libéraux pour les remplacer par d’autres libéraux, mais en leur faisant porter un autre nom. À ce moment, Mario Dumont était encore dans l’arène parlementaire et son électorat, relativement large, était convoité par Legault. Afin de rallier la population, l’idée lui était alors venue de former la « Caca des culs » (ou la CAQ-ADQ, je ne suis pas certain, je l’ai entendu à la radio).
Dommage que le nom n’ait pas persisté, car c’est exactement ce à quoi je pense lorsque je réfléchis aux positions environnementales de la CAQ. Certes, il n’y a pas lieu de chercher très loin pour comprendre que la CAQ et l’environnement forment une antithèse qu’aucun philosophe ne saurait résoudre. Mais dernièrement, le parti publiait un texte1 aussi nauséabond que le nom qu’il aurait dû porter. Ce dernier prétend que « le gouvernement Legault a probablement le meilleur bilan de l’histoire en environnement » et propose sept faits pour prouver son point.
Mon point à moi, c’est qu’il vaut probablement mieux boire de l’essence que de voter pour la CAQ.
Un maudit beau bilan
D’abord, j’aimerais nommer qu’un bilan dans lequel on ne résume que les « bons » coups s’apparente davantage à un trouble de la personnalité narcissique qu’à un bilan à proprement parler. Car évidemment, le texte ne parle pas des actions politiques hautement écocidaires que le parti promeut depuis son accession au pouvoir. Il ne nomme que certaines petites affaires pour lesquelles on se demande parfois s’il s’agit d’une blague.
C’est le cas de cet extrait où il prétend que « le Québec est devenu un des rares États dans le monde à avoir renoncé formellement à rechercher et extraire des hydrocarbures ». En vingt ans d’extractions exploratoires, les entreprises subventionnées n’ont jamais été capables de faire la démonstration de la rentabilité des hydrocarbures au Québec. Est-ce l’économie ou l’environnement qui le drive, notre ancien PDG de compagnie d’avions ? Il y a à peine deux mois, Legault se montrait favorable à ce que des pipelines traversent le Québec. On ne l’extrait pas, on ne le recherche pas, mais amenez-en des tuyaux à pétrole, mes chums!
Faque, j’ai ris. Et après, j’ai vomi. Notamment parce que je me suis repassé le « bilan » environnemental de la CAQ en tête. Le vrai, j’veux dire.
La CAQ s’est montrée favorable à l’implantation d’une usine de liquéfaction de gaz naturel à Saguenay par GNL Québec, « au nom de la prospérité économique et de l’avenir du Québec ». Un projet qui n’a finalement jamais vu le jour en raison d’une forte mobilisation citoyenne. Alors que de nombreux groupes écologistes faisaient la démonstration intelligente qu’un tel projet accélérerait la destruction environnementale, la CAQ déblatérait obtusément : « [GNL] est un projet vertueux et hyperimportant en matière de lutte contre les changements climatiques2 ».
Et que dire du troisième lien, cette infrastructure qu’à peu près seules les radio-poubelles de Québec cautionnent? Les avis scientifiques sont d’ailleurs assez fracassants : le construire, c’est renforcer l’intérêt d’acquérir une voiture individuelle, c’est encourager un mode de transport duquel il faut se départir au plus vite. Mais ce sont aussi des matériaux à n’en plus finir, une incitation à extraire davantage de ressources non renouvelables, la destruction d’habitats naturels, l’accélération de l’étalement urbain. Pour vrai, le troisième lien de la CAQ, c’est potentiellement le projet le plus cinglé qu’il nous soit donné d’imaginer au 21e siècle. Ça, c’est selon les scientifiques, parce que selon la CAQ, « aucune étude environnementale n’empêchera la construction du 3e lien3 ».
Plus localement, la CAQ s’est montrée complètement incompétente à agir pour la préservation des caribous et de son habitat, ayant plutôt affiché une volonté de repousser à 2024 la stratégie de protection de cet animal. En gros, elle se propose de repousser la réflexion après la disparition du caribou, pour ne pas avoir à s’y pencher. Non seulement la CAQ n’a rien fait, mais elle a autorisé de manière tout à fait jobarde des coupes à blanc dans son habitat gaspésien4.
Être riche et aveugle, c’est possible!
Honnêtement, je ne peux pas mieux résumer la complaisance affichée de la CAQ envers les industries capitalistes qu’en reprenant leurs propres mots. Dans l’article, on lit : « Le gouvernement de la CAQ a un parti-pris, celui de réduire les émissions de GES tout en enrichissant le Québec. »
Pendant que je me relève d’être tombé en bas de ma chaise, j’essaye de comprendre le lien qu’il existe entre l’extraction sans fin des ressources non renouvelables et le meilleur bilan environnemental de l’histoire? Je me demande quel est le lien entre un pipeline et la sauvegarde écologique? Je me demande où je peux investir mes millions pour vivre riche tout en protégeant la planète?
À cela, dans leur plus meilleur bilan de l’histoire, la CAQ rétorque que : « Pour atteindre une telle cible [réduire nos émissions GES de 55 %], il faudrait augmenter énormément les taxes sur l’essence et sur les autos. Il faudrait aussi fermer des usines ou des fermes. […] En plus, il faudrait accepter de décourager la population et de plonger le Québec dans une profonde récession sur une longue période. On voit tout de suite que c’est complètement irréaliste. » Une rhétorique pré-électorale complètement sautée, en gros.
[1] https://coalitionavenirquebec.org/fr/blog/editionspeciale/la-caq-en-environnement-meilleur-bilan-de-lhistoire/
[2] https://www.ledevoir.com/environnement/572777/gnl-quebec-est-un-projet-vertueux-pour-l-environnement-selon-jonatan-julien
[3] https://www.journaldequebec.com/2021/11/02/aucune-etude-environnementale-nempechera-la-construction-du-3e-lien-previent-le-ministre-charette
[4] https://www.ledevoir.com/environnement/681807/des-coupes-forestieres-dans-l-habitat-des-derniers-caribous-de-la-gaspesie