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La leçon d’une catalogne

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La leçon d’une catalogne

Lors d’une résidence de création en Islande, l’artiste originaire du Bas-Saint-Laurent, Cassandre Boucher, s’est inspirée de la pratique de la catalogne québécoise pour tisser pendant un mois, alors qu’elle était dans un lieu entouré de nature. La Fabrique du sensible, l’exposition en cours à Caravansérail jusqu’au 3 juillet 2022, révèle le fruit de son travail : en revisitant les savoir-faire traditionnels, elle nous fait revoir le sens de la productivité.

Cassandre Boucher a découvert le tissage pendant la pandémie. Elle s’est mise à récupérer les vieux bouts de tissus et à regarder des vidéos Youtube afin d’apprendre par elle-même la pratique de la catalogne québécoise. Lors de sa résidence de création en Islande, elle se met donc à tisser pendant un mois. Devant ces paysages naturels, cela lui rappelle ce qu’elle voit depuis son enfance, c’est-à-dire sa mère qui s’occupe de son jardin et la nature qui pousse.

« Dans sa relation avec les végétaux, je trouvais que c’était très similaire à ma relation avec le métier à tisser au milieu de la nature (…). Ce n’est pas juste une question de persévérance ou de productivité (…), c’est plus de l’ordre de la pratique méditative qui s’installe, on prend un rythme, on respecte ce rythme-là pour avancer, plus on entre là-dedans, plus on se détache de l’objectif final. On est plus dans “le faire” que dans l’envie du résultat », explique Cassandre Boucher.

Produire une relation affective

En Islande, Cassandre Boucher découvre que la catalogne est une pratique traditionnelle typiquement québécoise. Elle tisse en reprenant ces savoir-faire traditionnels qui se sont un peu perdus et qui permettent de revaloriser les retailles de textiles. Le temps que cela prend et le rythme qu’elle suit lui rappellent le rythme de la nature. En suivant ce rythme, elle découvre une relation affective à ce qu’elle produit.

« Il y a quelque chose des savoir-faire traditionnels des anciens qu’on a perdus et qui était plus de l’ordre du respect de la matière, du matériau, du temps que ça prenait pour faire les choses. Il y a certaines choses qu’on ne peut pas bousculer. La nature a un rythme lent et on aura beau mettre de l’engrais et utiliser toutes les astuces pas possibles, à un moment donné, on ne peut pas outrepasser ça. Ça prend du temps et le tissage, c’est aussi ça (…). Si on veut s’y adonner et s’y mettre, il faut s’engager à le faire. En retour, il y a autre chose qui se développe, une relation très affective à ce qu’on produit », explique l’artiste.

L’exposition parle ainsi de temps, de travail répétitif, mais surtout du soin à apporter à ce qui est fait : « La fabrique du sensible, pour moi, c’est cette idée de construire et de faire quelque chose de ses mains, de produire quelque chose qui ne serait pas juste de produire pour consommer, pour faire un profit capitaliste, mais produire vraiment pour un bien-être et développer une relation sensible à ce qu’on fait. C’est de l’ordre du soin, de la lenteur et de la répétition », mentionne Cassandre Boucher.

L’œuvre de Cassandre Boucher apparaît non terminée. Au contraire d’un monde productiviste à la recherche de l’atteinte d’un résultat et d’un profit rapidement, elle souligne qu’au même titre que les idées ne sont jamais terminées, la nature n’arrête pas de pousser.

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