
Alors que le 15 février 2022, marquait les 50 ans de la dernière Opération Dignité, Martin Gagnon, coordonnateur du Centre de Mise en Valeur des Opérations Dignité, souligne que ce mouvement populaire a permis de mettre fin à la fermeture des villages, mais il amenait aussi l’idée d’une meilleure gestion intégrée des ressources comme solution à la paupérisation des régions.
À l’origine de ce mouvement de protestation, l’initiative gouvernementale partait pourtant d’une bonne intention en voulant relever le niveau de vie des populations rurales grâce à la réalisation d’un premier exercice de planification territoriale. Cet exercice a mené à l’élaboration d’un Plan d’aménagement dont le but annoncé « était de construire un monde meilleur et d’améliorer le sort de la population de l’Est du Québec en créant des conditions de vie pour 325 000 personnes qui soient comparables à l’ensemble de la province »1. Les objectifs étaient de moderniser les secteurs traditionnels, de mettre en valeur des secteurs économiques dynamiques, de revaloriser la main-d’œuvre, d’instaurer un cadre institutionnel avec une décentralisation des pouvoirs gouvernementaux vers les fonctionnaires régionaux et les gouvernements municipaux, d’encourager la participation citoyenne et de structurer rationnellement l’espace régional avec une planification de l’urbanisation.
Dans la pratique, ce plan va être surtout centré sur le développement de pôles régionaux et il mènera à la fermeture de villages et à la relocalisation des populations vers les centres urbains, à la source des mouvements de contestation avec les Opérations Dignité.
Les Opérations Dignités s’opposeront à la fermeture des villages, mais ils proposeront aussi des solutions en amenant une nouvelle philosophie du développement des territoires avec la notion de la gestion intégrée de la ressource. L’idée qui est de se donner les moyens de développement dans les communautés rurales. En effet, l’appauvrissement des populations rurales est expliqué principalement par le fait que les gens n’ont pas les moyens d’exploiter les ressources à l’année et ils doivent aussi assumer les coûts de transport vers les centres urbains. Pour contrer ce phénomène, l’idée est de se doter de moyens pour exploiter et transformer la ressource dans les régions rurales afin d’avoir de l’emploi à l’année. Par exemple, Martin Gagnon explique qu’à « Esprit-Saint, ça a prit six ans avant qu’ils leur octroient un droit pour pouvoir faire la coupe de bois sur les terres qui sont à côté du village, parce que ça avait été octroyé à un privé qui lui, prenait le bois et l’envoyait en dehors de la région pour se faire transformer. Ce qui fait que les hommes l’hiver n’avaient pas d’ouvrage. (…) C’est sûr que si tu as des revenus seulement deux mois par année pour vivre pendant douze mois, tu es plus pauvre que celui qui travaille douze mois par année. ».
Les Opérations Dignité vont ainsi amener des structures d’aménagement forestier de 1970 à 1975, ainsi que plusieurs gains dans le secteur de la pêcherie avec l’Opération Dignité III à Les Méchins, mais ils vont aussi aller plus loin et travailler à préserver les services dans les régions rurales. Ainsi « les O.D. ont continué à se battre contre la fermeture déguisée des paroisses qui se traduisaient par la fermeture des écoles, la mise en faillite des petits agriculteurs, la détérioration des services sociaux. Le défi de l’organisation était toujours actuel. Une organisation qui prend en charge tous les problèmes (écoles, services, emplois) — pas seulement la forêt (…). Une organisation où les gens s’impliquent encore davantage pour relever le défi de la gestion du territoire»2.
Alors qu’un rapport de la Chaire-réseau de recherche sur la jeunesse du Québec, commandé par Place aux jeunes en région, faisait état d’une diminution des jeunes en région au Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie entre 1986 et 2016, le mouvement des Opérations Dignité reste encore actuel pour avoir une vision du développement des territoires qui permet de préserver les activités et les services en régions rurales.