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La démocratie, une histoire de minorité?

Par Arthur Poirier-Roy le 2021/11
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La démocratie, une histoire de minorité?

Par Arthur Poirier-Roy le 2021/11

20 septembre 2021, jour des élections fédérales propulsées par le gouvernement libéral minoritaire, en pleine pandémie. Résultat? Le statu quo. Pourquoi, s’il n’y avait aucun problème avec la représentation voulue par la population, chercher à réorganiser la chambre des représentants? Pourquoi vouloir redessiner le portrait politique d’un pays épuisé par un peu plus d’un an de mesures inégales, efficaces et inefficaces, et où les gens sont frustrés, divisés et fatigués par une pandémie?

Le désir de la majorité. Le refus du compromis. L’idée fausse qu’un gouvernement représentatif idéal doit être élu par la majorité de la population. Le souhait de pouvoir agir librement sans devoir chercher l’appui de qui que ce soit. C’est exactement ce que souhaitent les monarchies et les gouvernements à pouvoir unique.

Le bipartisme de nos voisins du Sud est un exemple de ce qu’on associe à cette quête d’une majorité. Un yoyo politique qui zigzague entre conservatisme et progressisme de gouvernement en gouvernement, Obama remaniant le pays laissé par Bush, Trump celui laissé par Obama et finalement Biden celui laissé par notre chère vedette de The Apprentice. Ce pays (ça n’a pas toujours été le cas) est aujourd’hui l’exemple même de la division, avec de plus en plus de distance entre son extrême droite et sa droite progressiste.

Sont-ce là nos seules options? Dans une province où, nous le rappelons, nous nous sommes promenés de PQ en PLQ depuis 1970 et où, pendant près de 25 ans, la population était sciée en deux sur la question de la souveraineté. Cette province, elle-même dans un pays où l’on se passe la balle de libéraux en conservateurs (notez qu’avant sa fusion avec l’Alliance canadienne, c’étaient les progressistes-conservateurs, de nom, du moins). Malgré cet apparent bipartisme, notre pays a une pluralité de partis et on tente de tous leur donner une voix. Nous avons connu une vague orange qui a fait croire à tout le monde que le bipartisme serait brisé et que le NPD serait au pouvoir pendant un temps. Les élections de 2019 nous ont aussi laissés pantois face à la présence impressionnante du Bloc québécois.

Ces élections de 2019 étaient parmi nos meilleures avant une crise mondiale alors inattendue, et nous n’exprimons pas ici un sentiment d’amour pour le Rouge de notre cher premier ministre, nous souhaitons cet article neutre, parlant du paysage politique, pas des biens et maux d’un parti. Ce qui était magnifique, c’était la diversité : un Bloc significatif, un Parti conservateur bien établi (surtout dans les prairies), un Parti libéral minoritaire et malheureusement un NPD tirant un peu de l’aile, mais c’est la réalité d’un progressisme divisé. Même le conservatisme y était divisé (en théorie, si le Parti populaire du Canada avait eu le moindre siège). Pourquoi est-ce bien? Parce que personne ne peut IMPOSER ses décisions : les partis doivent communiquer, s’entendre, discuter, négocier. Dans le meilleur des mondes.

Naïvement, nous y avons cru. Qu’ils discuteraient, qu’ils s’entendraient, qu’ils arriveraient à des compromis. Parce qu’une démocratie, c’est ça : céder du terrain et prendre une décision qui satisfait, idéalement, non pas la majorité + 1, mais qui convient au plus grand nombre possible. On ne devrait pas pouvoir obtenir tout ce que l’on désire juste parce qu’on a voté avec la majorité, mais parce que tout le monde a discuté et convient de la décision, ou bien parce que celle-ci a été modifiée afin d’accommoder chaque groupe. Une décision basée sur une majorité fragile sera réfutée ou modifiée par le gouvernement suivant. On ne bâtit pas une société sur des projets fragiles et éphémères, mais sur des projets communs, appuyés par des groupes opposés, qui ont convenu de faire les choses d’une certaine manière afin qu’on puisse tous avancer.

Mais ça n’a pas été ça. Toutes les propositions pendant deux ans ont été appuyées, sans compromis ou remaniement majeur (ce qui en soi n’est pas nécessairement mauvais signe), par le bras éparpillé et épuisé du mouvement progressiste. Pourquoi lancer une élection à la quête d’une majorité, alors qu’aucune décision n’a été bloquée par l’union des oppositions, que le pays traverse une crise sanitaire mondiale et que l’économie reprend à peine? Une élection qui, il aurait été facile de le prédire, n’allait pas changer du tout au tout la face du gouvernement. Pourquoi dépenser des ressources dans une telle farce?

Ayez peur de ces moments où l’on cherche avidement la majorité sans sembler en avoir réellement besoin, parce que ce n’est pas là qu’on trouve la démocratie. L’écoute, la division, le compromis et la différence sont les os d’une démocratie saine.

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