
Petit village situé tout près de Matane, Saint-Léandre n’est pas connu de grand monde, mais cela pourrait bien changer : en effet, la municipalité de 350 habitants se distingue depuis quelques années par son dynamisme et n’hésite pas à se lancer dans des projets originaux. Une preuve de plus que les milieux ruraux aussi sont capables de se réinventer.
Les choses n’ont pas toujours été roses sur ce plateau situé au-dessus de Saint-Ulric. En effet, en 2011, Saint-Léandre est passé tout près du cataclysme que redoute tout village : il ne restait plus que cinq élèves dans sa minuscule école, alors condamnée à la fermeture. « J’ai amené ma fille en acceptant le poste », relate l’enseignante Joyce Truchon, qui est aussi conseillère municipale depuis deux ans et veut « mettre Saint-Léandre sur la map ». Un seul être qui manquait pour que tout ne soit pas dépeuplé : en effet, en atteignant le nombre minimum de six enfants, la seule classe de l’établissement (de la première à la troisième année) a pu survivre.
La suite est des plus étonnantes : lors des deux années suivantes, les effectifs ont augmenté deux fois, passant à neuf puis à 11 élèves. Certaines personnes qui travaillent à Matane ont décidé de favoriser l’école locale pour leur progéniture, plutôt que celle proche de leur emploi. De quoi envisager la réouverture d’une deuxième classe… « Il a fallu convaincre ceux qui étaient partis à Saint-Ulric pour leur quatrième année de revenir », se souvient « Madame Joyce ».
Arriva ensuite un service de garde, avant le bouquet final : le lancement d’un programme de sport-études en équitation, afin d’attirer des jeunes des environs. Les participants suivent un cours de 10 semaines, en petits groupes de deux ou trois. Un accord a été passé avec le transport collectif de La Matanie pour les amener à Saint-Léandre à moindre coût
Le succès est indéniable : il y a maintenant 23 enfants et deux enseignantes à l’école. Cette dernière a aussi mis l’action sur les saines habitudes de vie : les élèves cultivent des salades et des fines herbes dans une serre hydroponique d’intérieur, qui sont ensuite vendues aux citoyens pour financer des sorties scolaires.
La minimaison, construction du futur
Il suffit de franchir une porte pour passer de l’école à la salle du conseil. Par la fenêtre, côté sud, on voit un parc éolien qui amène un total de 90 000 $ par année à la municipalité et à ses organismes communautaires – c’est d’ailleurs lui qui permet de financer les cours d’équitation. « Mais dans les dernières années, cet argent a surtout servi à baisser les taxes, assure le directeur général de la municipalité André Marcil. Il faut que ce soit utilisé comme levier de développement! »
Aujourd’hui, les projets ne manquent pas à Saint-Léandre, et ce sont surtout des citoyens qui les portent. La mentalité de construire de nouvelles rues pour attirer des résidents, si prisée dans les milieux ruraux, semble un peu dépassée – ça ne marchait pas tant : près de l’école, seul deux terrains sur les dix qui ont été mis en vente en 2012 ont trouvé preneur. Le village de Matanie, siège de l’entreprise CAMM Construction, s’est par contre découvert une nouvelle spécialité en matière de construction : les minimaisons.
Ainsi, deux d’entre elles devraient être installées prochainement au lac Adèle, non loin des sentiers pédestres de la Grotte des fées, et feront office de chalets à louer pour les visiteurs. À plus long terme, le tout nouveau comité d’agriculture urbaine voudrait aussi voir un écoquartier aménagé dans le village : il serait fait de minimaisons jouxtant un grand jardin communautaire. Le projet est encore embryonnaire, prévient André Marcil, mais il est en phase avec les tendances actuelles et pourrait être mené avec un budget raisonnable.
Dans l’immédiat, le DG a une autre priorité : ce dimanche 7 novembre a lieu la consultation publique pour le futur centre multifonctions de la municipalité, où on retrouvera le bureau municipal, une salle communautaire, un gymnase, un dépanneur , une patinoire extérieure, voire d’autres services comme un CPE, un bar ou une pompe à essence…
Au centre socioculturel, il y en a pour tous les goûts
Pour ce qui est de la culture, Saint-Léandre n’a rien à envier à personne : le village dispose déjà de sa minuscule salle de spectacle, située à l’étage de l’église : il s’agit du centre socioculturel Le Jubé. En temps normal, une exposition d’un artiste s’affiche sur les murs. Récemment, un spectacle du Rendez-vous des Grandes Gueules de Trois-Pistoles a eu lieu ici.
Lorsque Le Mouton Noir y pénètre, la diffusion en direct d’une conférence de l’Université de Montréal sur le monde iranien contemporain est sur le point de débuter. Derrière le comptoir, le président du conseil d’administration du Jubé, Martin Verret explique vouloir « donner l’accès à la culture à tout le monde ».
Le lieu se veut éclectique, « du marché de Noël aux conférences de haut niveau », pour attirer le plus de gens possible. Dans le futur, M. Verret aimerait projeter à l’écran des pièces du Théâtre du Trident, basé à Québec, et offrir un horaire régulier d’ouverture.
Grâce à ses initiatives hors du commun, Saint-Léandre réussit donc à enrayer la spirale de la dévitalisation. Mais chaque progrès reste fragile : l’an prochain, aucun enfant ne devrait entrer en première année, un trou que l’école va longtemps trainer.
Le travail de renforcement de la communauté va cependant continuer : « Avant, les jeunes n’étaient pas chums ensemble, car ils fréquentaient des écoles différentes, rappelle l’enseignante Joyce Truchon. Aujourd’hui, on essaie de développer certaines valeurs chez eux, comme le bénévolat. » Saint-Léandre en aura besoin, puisqu’il faudra bien remplacer un jour tous ces super-bénévoles qui tiennent le village à bout de bras…