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TERRES-QUÉBEC : NÉCESSITÉ ET FIERTÉ

Par Donald Dubé le 2021/08
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TERRES-QUÉBEC : NÉCESSITÉ ET FIERTÉ

Par Donald Dubé le 2021/08

Dans notre société consumériste qui carbure à la frénésie des envies, parler de nécessité n’a rien de séduisant. Et dans ce pays riche qui est le nôtre, la nécessité est davantage associée à la faiblesse. Celle qui plombe et qui menotte. Celle qui semblait accabler jadis nos ancêtres faute de moyens et d’éducation. Pire encore, la fierté ressentie de faire ce qui est nécessaire est un sentiment presque étranger. Pour Jean Garon, ministre de l’Agriculture de 1976 à 1985, rien ne pouvait générer plus de fierté que la capacité de pourvoir à ses besoins en matière d’alimentation. Il était d’avis que l’autonomie est un passage obligé, car elle mène à la fierté, et la fierté mène à la souveraineté du peuple… maître chez nous pour le bien commun! Jean Garon fut ministre de l’Agriculture du gouvernement de René Lévesque pendant huit ans. Le travail remarquable de cet homme au franc parlé est largement reconnu. Jacques Parizeau disait que le meilleur critère pour juger de l’efficacité du travail de Jean Garon était l’évolution de l’autosuffisance alimentaire. Ce rapport (production alimentaire totale/consommation alimentaire totale) passa de 47 % à plus de 80 % durant cette période. D’après Patrick Mundler, professeur titulaire à l’Université Laval, spécialiste des grands enjeux d’agroéconomie et de circuits courts, ce taux est actuellement de 35 %. Dois-je préciser que c’est très peu? Dois-je rappeler que cette situation est même inquiétante en ces temps pandémiques incertains?

LA NÉCESSITÉ DE GAGNER EN AUTONOMIE

Outre la pandémie qui met à jour la grande vulnérabilité de notre système alimentaire axé sur l’importation de denrées, ce sont les changements climatiques qui représentent la plus sérieuse menace. Plusieurs régions partout dans le monde, reconnues comme « garde-manger » (p. ex. la vallée centrale en Californie), ont connu des saisons de production désastreuses au cours de la dernière décennie. Que ce soit en raison d’épisodes de sécheresses dévastatrices, de gels successifs inédits ou d’invasions incontrôlables d’insectes ravageurs, le dérèglement du climat à l’échelle du globe compromet indéniablement notre approvisionnement. Cette grande instabilité obligera plusieurs États à limiter les échanges, car combler les besoins de leur peuple deviendra une priorité. Nul besoin de clairvoyance pour comprendre qu’il est temps de produire davantage. Avons-nous les ingrédients de la réussite à portée de main? Que oui! Toutefois, si Jean Garon a mis huit ans pour amener l’autonomie alimentaire du Québec à plus de 80 %, il est sérieusement temps de s’atteler à l’ouvrage.

TERRES-QUÉBEC

Les quatre principaux ingrédients de la réussite en matière d’autonomie alimentaire sont, à mon humble avis, les suivants :

  1. Un État engagé
  2. Une nouvelle génération de producteurs et de productrices
  3. Des terres agricoles en production
  4. Des communautés engagées et fières

L’État s’avère la clé de voûte de ce grand projet de société. Il doit intervenir activement pour protéger, conserver et relancer les activités agricoles. Un engagement indéfectible en ce sens ne peut se concrétiser que par la création d’une société d’État que j’ose nommer « Terres-Québec ». Je tiens à rappeler qu’il est question ici de l’autonomie alimentaire du Québec : le bien commun le plus fondamental. Dans pareilles circonstances, nous devons convenir d’un contrat social réunissant l’État québécois, les producteurs, les productrices et les citoyens.

RELANCER

L’agriculture nourricière passe par l’habitation du territoire et par l’accès aux terres. Le démarrage de nouvelles fermes de toutes tailles doit devenir une priorité tout comme l’émergence de fermes de proximité dans toutes les régions du Québec. Pour ce faire, une vraie réforme de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles devra être entreprise.

PROTÉGER ET CONSERVER

On doit protéger les terres de la spéculation, de l’étalement urbain et de leur acquisition par des non-exploitants. On doit acquérir et remettre à niveau les terres abandonnées (dites en friches) qui représentent un bon potentiel de remise en production. Il s’agirait d’une forme de propriété transitoire puisque ces terres seraient acquises et gérées par l’État dans l’attente d’une proposition d’établissement ou de développement.

LA FIERTÉ D’Y ARRIVER ENSEMBLE

Nous y sommes M. Garon. Il est temps d’évoquer la fierté dont vous avez fait l’éloge avec tant de conviction durant votre vie. Certains la confondent avec la vanité ou l’orgueil, mais il n’en est rien. Ce dont il est question, c’est de fierté qui encourage l’action, qui mène plus avant. Celle liée à la reconnaissance de sa valeur ou à l’évaluation de son action, de son projet, de son œuvre. Pour l’heure, lorsque je pose mon regard sur nos enfants, j’ai soif de fierté. L’humanité a remis sa destinée entre les mains de la grande industrie en échange d’un confort illusoire, dévastateur pour la cohésion sociale et l’environnement. Mobilisons-nous autour de ce grand projet et nos enfants seront, un jour, fiers de nous.

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