
Hier, le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN) a annoncé qu’un appel d’offres pour 300 MW d’énergie éolienne serait lancé par Hydro-Québec dans les prochains mois. Dans son communiqué, le MERN précise que les soumissionnaires devront prévoir « une participation du milieu local et des communautés à l’actionnariat du projet à hauteur d’environ 50 % ».
Cela correspond exactement au modèle qui a été mis en place dans les dernières années par l’Alliance de l’Est en Gaspésie et au Bas-Saint-Laurent, qui est actionnaire à 50 % des parcs Roncevaux et Nicolas-Riou. Maire de Sainte-Anne-des-Monts et président de la Régie intermunicipale de l’énergie de la Gaspésie (une des deux entités qui forment l’Alliance de l’Est, avec son homologue du Bas-Saint-Laurent), Simon Deschênes ne cache pas qu’énormément de « représentations » ont été faites auprès du MERN dans les derniers mois pour que l’exigence de participation communautaire soit incluse dans l’appel d’offres.
À vrai dire, même si les mots « Est-du-Québec » n’apparaissent pas en toutes lettres dans le communiqué du MERN, l’appel d’offres semble taillé sur mesure pour la région. L’Alliance de l’Est est d’ailleurs prête à dégainer et soumettre des projets de parcs éoliens lorsqu’il sera lancé, d’ici le 31 décembre.
Ces propositions devraient se trouver dans l’ouest de la région, soit dans les MRC de Kamouraska, du Témiscouata ou de Rivière-du-Loup. Simon Deschênes confirme par ailleurs que des discussions sont en cours avec le MERN et Hydro-Québec pour accroître la capacité portante des lignes à haute tension, qui pourrait représenter un frein à l’expansion éolienne.
Selon le modèle mis en place par l’Alliance de l’Est, la moitié des revenus des parcs éoliens est redistribuée aux MRC puis aux municipalités, qui sont ensuite libres de dépenser cet argent comme elles l’entendent, rappelle M. Deschênes. « La plupart des membres l’investissent dans l’amélioration de leurs milieux de vie. Une partie peut aider à garder un fardeau fiscal stable pour les contribuables. Certaines MRC vont garder un pourcentage pour créer un fonds de développement. »
Répliquer le modèle : payant mais pas évident
D’ici 2029, au moins 1400 MW d’énergie supplémentaire seront nécessaires, et une partie importante sera réservée spécifiquement à l’éolien, ajoute le MERN. L’Alliance de l’Est, qui estime avoir un potentiel éolien pour 1200 MW supplémentaires, sera assurément sur les rangs, mais d’autres régions du Québec pourraient vouloir copier ce modèle. La Fédération québécoise des municipalités (FQM) a d’ailleurs fait front commun avec l’Alliance pour obtenir une participation communautaire dans les nouveaux projets éoliens.
« C’est un modèle qu’on veut reproduire, particulièrement pour diversifier les revenus municipaux, explique le président de la FQM Jacques Demers, qui est aussi maire de Sainte-Catherine-de-Hatley en Estrie. On est tellement attachés à notre taxe foncière, sans avoir d’autres opportunités… »
Les nouveaux parcs éoliens devront opérer au moins 30 ans, ce qui veut dire que les municipalités actionnaires en toucheront les bénéfices sur la même durée. « La prévisibilité des revenus est toujours notre problème dans le monde municipal, note M. Demers. Certaines subventions arrivent souvent peu avant une élection, ou sont ouvertes pendant une période très limitée, alors que des municipalités ne sont pas prêtes à faire des investissements. Tandis qu’avec une vision à long terme, on est capables de planifier. »
Dans les régions où l’éolien est moins présent, il faudra tout de même travailler fort pour rattraper l’avance prise par l’Est-du-Québec dans le domaine, rappelle le président de la FQM. « Il y a des analyses à faire : est-ce qu’on a des beaux corridors de vent? Est-ce que les compagnies privées ont de l’intérêt à se déplacer à certains endroits? Il y a des territoires qui ne veulent pas d’éoliennes, parce qu’ils voient leurs paysages autrement. Dans certains endroits, des débats de société vont avoir lieu. »
Jacques Demers souligne également que grâce aux clauses de contenu régional des contrats éoliens, les entreprises locales bénéficient également des constructions de parcs éoliens. Pour l’appel d’offres à venir, MERN veut que jusqu’à 35 % des dépenses globales d’un parc éolien soient faites dans la MRC où il se situera, « ou encore [dans] la MRC de La Matanie ou [dans] la région de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine ». Une manière peu subtile de dire que les usines Marmen de Matane et LM Wind Power de Gaspé seront les fournisseurs.