
Du mouvement écologiste, il ne reste qu’un champ de bataille presque désert où les quelques activistes survivants s’acharnent à se trouver des alliés dans une guerre civile sans merci. Quoi? Vous n’êtes pas au courant? Les verts sont en guerre! Une guerre fratricide qui oppose les activistes qui ont naguère été des alliés enjoués. Tous ensemble, dans une marche immense d’où sortaient des slogans motivants et où la solidarité était clairement perceptible. Un nouveau Pacte était né. Mais que s’est-il donc passé? Pourquoi tant de désolation? Comment tout cela a-t-il commencé? Nul ne connaît réellement la réponse. Mais du jour au lendemain, les écolos se sont transformés en Rambo et chacun s’est mis à combattre son complice d’autrefois. Les tenants de l’autonomie alimentaire se sont attaqués aux végétariens, les traitant de bourgeois colonialistes. Les militants contre le pétrole se sont déchaînés contre les électro-mobilistes qui perpétuent le culte de la voiture solo. Les décroissantistes n’ont pas pu s’empêcher de livrer bataille au mouvement de développement durable, car pour eux, il n’y a rien de plus menaçant que l’érection d’éoliennes dans les vallées gaspésiennes. Mais le combat le plus féroce est sans nul doute celui qui opposait les activités professionnelles des Greenpeace et Équiterre de ce monde aux militants de salon qui prolifèrent sur les médias sociaux. Selon eux, le pire des péchés est celui de la cupidité de ces ONG qui ont, oh sacrilège, accepté de travailler en collaboration avec nos dirigeants afin de créer de réelles politiques vertes, mais trop pâles. Non, personne n’a été épargné, même ceux qui ont tout essayé pour rallier les troupes en trouvant des compromis y ont goûté. Parce que dans un monde en guerre, les conciliants sont souvent les plus détestés : tous ne voient en eux qu’une manifestation chronique du syndrome du larbin.
NOTRE PROPRE ENNEMI
L’attitude guerrière des militants est le talon d’Achille du mouvement écologiste. Voir les choses comme une guerre à mener fait en sorte qu’on s’emploie à se quereller et à se diviser en cherchant l’ennemi absent alors qu’on devrait s’allier et construire. Mais dans une guerre sans ennemis, il est difficile de trouver des alliés. Sans ennemis, on ne sait pas reconnaître les victoires. Sans ennemis, on passe son temps à combattre des moulins à vent en voyant en chaque consœur et confrère humain, un adversaire potentiel. La division au sein du mouvement écologiste est notre plus grand obstacle face au défi qui est devant nous. Quand l’environnement est la priorité d’une grande majorité de Québécois, mais que nous n’avançons toujours pas, nous n’avons que nous-mêmes à blâmer. Tous ces écologistes se chamaillent pour savoir qui est le plus vert, qui a LA recette secrète et qui parmi nous retarde le mouvement. Et pendant ce temps, le temps avance…
LA GUERRE, LA GUERRE, C’EST PAS UNE RAISON POUR SE FAIRE MAL!
Que faisons-nous maintenant? Comment faire en sorte que la lutte contre les changements climatiques devienne un mouvement derrière lequel tous se rallient? Tout d’abord, il nous faut gagner en maturité et accepter la dissidence. Il n’est pas normal que notre seule réponse aux opinions divergentes de la nôtre soit de bloquer, de dénigrer, de détester. Les opinions contraires devraient être glorifiées, car elles nous font réfléchir collectivement. Ensuite, le manque d’empathie et de compassion nous pousse à nous aliéner tout un pan de la société. Comprendre, écouter, discuter avec « l’adversaire » plutôt que de le traiter de tous les noms a toujours été la meilleure façon de le convaincre. Ruth Bader Ginsburg disait : « Fight for the things that you care about, but do it in a way that will lead others to join you.1 »
Soyons des activistes modèles qui ont des buts précis et qui adoptent une attitude efficace pour les atteindre. Votre conseil municipal ne veut pas interdire l’implantation d’une grande chaîne alimentaire multinationale dans votre ville? Travaillez à encourager l’achat local et les groupes d’achat. Il y a trop de pick-up dans votre quartier? Développez un réseau d’autopartage. Tout est possible dans une société qui regarde vers l’avant. Et si vous rencontrez un mur infranchissable, ne le détruisez pas. Il pourrait vous servir à porter votre voix plus loin.
1. Battez-vous pour ce qui vous tient à coeur, mais faites en sorte de rallier les autres.