
Écologiste soucieux du bien commun, impliqué dans des dossiers environnementaux depuis plus de 25 ans, Martin Poirier s’est particulièrement concentré, au cours des dix dernières années, sur les enjeux de l’exploration, de l’exploitation et du transport des hydrocarbures en territoire québécois.
Martin, tu es un écologiste incontournable, un militant de la scène publique rimouskoise, mais aussi québécoise. Même si tu mènes plusieurs combats, c’est contre le pétrole que tu as trouvé ta voie… Pourquoi le pétrole?
En fait, ce sont les choix énergétiques du Québec qui m’ont amené à m’intéresser aux enjeux de l’énergie dans une perspective plus globale, mais disons que la procession de politiciens voulant faire du Québec une pétro province a mené à une plus grande implication de ma part sous le gouvernement Charest. Plus particulièrement en 2009, quand on a commencé à convoiter le Saint-Laurent pour des forages exploratoires en milieu marin pour le pétrole et le gaz. Ensuite, tout a déboulé avec des projets de fracturation pour le gaz et le pétrole de schiste, l’appétit pour forer Anticosti, des projets de transport de pétrole par train-bloc de plus de 100 wagons, Mégantic, la lutte contre le pipeline Énergie Est, le port pétrolier à Cacouna de TransCanada et la liste nous mène aujourd’hui au projet GNL/Gazoduq et à la folie de vouloir faire du Québec une autoroute d’exportation du gaz issue de la fracturation de l’Ouest canadien.
Selon toi, quelle est la solution à l’utilisation des combustibles fossiles?
Il serait hasardeux de tenter de proposer une solution, mais disons que du travail d’un grand nombre de personnes ont émergé plusieurs propositions. Ici au Québec, il y a deux outils de réflexion pour poser des gestes concrets, soit la DUC (Déclaration d’urgence climatique) qui propose un Plan global en 11 chantiers pour décarboniser notre société et la Feuille de route pour la transition du Québec vers la carboneutralité par le Front pour la transition énergétique. Même si ce sont d’excellentes propositions, il ne faut pas se leurrer, il y a tout un système capitaliste qui rame à contre-courant de cette intelligence citoyenne. L’humanité a démontré à travers les siècles qu’elle est inapte à enrayer les plus grands maux dont elle s’afflige. La guerre, la famine, le racisme… ainsi la question de la destruction de son environnement ne fait que s’ajouter à cette liste. Réalistement, je crois que nous connaîtrons beaucoup de points de rupture, conséquence de notre abus de combustibles fossiles : que ce soit la descente énergétique que provoquera la raréfaction de l’énergie, les perturbations de la chaîne de transport qui permet la mondialisation et qui repose essentiellement sur les hydrocarbures. Se superposent à cela les bouleversements climatiques qui ne cesseront de s’amplifier à un rythme qui nous rattrape depuis un moment.
Que penses-tu de la volonté politique dans ce dossier?
Il me semble que l’on devrait retourner la question : que penser de l’absence de volonté? Il est clair que le projet de loi C-12 (loi climatique) de Justin Trudeau et le Plan pour une économie verte de François Legault ne respectent pas le consensus scientifique pour éviter un emballement climatique qui aura des conséquences irréversibles sur notre société. Le projet de loi fédéral ne remet pas en question l’industrie des sables bitumineux, l’une des principales émettrices de gaz à effet de serre (GES) au pays. Il fixe une première cible à respecter seulement dans 10 ans et mise sur la plantation d’arbres et la séquestration du carbone pour atteindre une « carboneutralité » en 2030. N’oublions pas que le gouvernement Trudeau a injecté des milliards dans l’industrie pétrolière et gazière depuis 2015. Le gouvernement Legault, pour sa part, admet lui-même que les mesures annoncées, qui visent principalement l’électrification du secteur des transports, seront insuffisantes pour permettre au Québec d’atteindre sa cible de réduction des GES de 37,5 % d’ici 2030, par rapport à 1990.
Tu es optimiste ou pessimiste pour la suite des choses?
Par moments, je me surprends de voir à quel point la mobilisation concernant les énergies fossiles et le climat est puissante et constante au Québec. Soyons clairs, ce n’est pas une majorité de la population qui réalise tout ce que nous avons eu à affronter pour ne pas nous enfoncer dans cette voie et tout ce qui nous guette comme épreuves avec l’urgence climatique et l’effondrement de la biodiversité qui provoquent des impacts sociaux jamais vus. En décembre, une tribune internationale signée par plus de 400 scientifiques (docteurs, chercheurs, professeurs) de plus de 20 pays a été publiée pour demander que l’on discute sérieusement des risques d’effondrement. Ce n’est certainement pas parce que tout va bien et que le développement durable va nous « sauver ». Il faut être volontairement optimiste, j’en conviens, tout en gardant à l’esprit que l’espoir ne doit pas non plus devenir une maladie. Un débat public sur la menace de l’effondrement est indispensable afin de pouvoir en réduire la probabilité, la rapidité, la gravité et les dommages infligés aux plus vulnérables comme à la nature. Nous avons le devoir de lutter pour préserver ce bien commun terrestre qui est composé d’une multitude de biotopes. Fondamentalement, la Terre est une demeure magnifique, la seule qu’on ait et quand on se donne la peine d’explorer sa biodiversité, on ne peut qu’avoir le goût de la préserver pour les prochaines générations. Il n’y a que ça qui a vraiment du sens.