Le blogue du rédac

L’amélanche, la petite poire qui monte

Par Rémy Bourdillon le 2020/08
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L’amélanche, la petite poire qui monte

Par Rémy Bourdillon le 2020/08

Quand Clément Clerc a emménagé avec sa petite famille dans un rang de Saint-Joseph-de-Kamouraska, il a découvert de petites baies violacées dans la haie qui sépare sa fermette de la terre agricole voisine. « On a commencé à ramasser ça, on en a mangé frais, on a trouvé ça correct », se souvient-il. La révélation vient plus tard, quand une amie leur fait goûter un succulent pouding chômeur à l’amélanche. Il comprend tout le potentiel de la baie qu’il a sur son terrain, qui révèle ses saveurs une fois cuisinée.

Au Québec, où on ne jure que par le bleuet, pas grand-monde ne connait ce fruit indigène qu’est l’amélanche, même des voisins sexagénaires de Clément Clerc. Pourtant, « une fois cuisiné, c’est meilleur que le bleuet, jure-t-il. Il y a plein de saveurs qui se dégagent. On peut faire tous les desserts qu’on veut avec : tartes, muffins, smoothies… »

Cueilleuse professionnelle à Sainte-Angèle-de-Mérici où elle possède l’entreprise La Cabottine, Nadia Vaillancourt recommande de son côté une croustade pommes et amélanches. Elle trouve dans cette baie des « notes de poire, de bleuet et d’amande ». Au Québec, on la surnomme d’ailleurs la « petite poire sauvage ».

La cueillette est tout un sport, assure Mme Vaillancourt : armée de ses glacières, elle s’en va dans des terres en friche ou en bordure des forêts, puis doit faire un tri manuel une fois revenue à la maison (sans compter la vente dans les marchés publics et la livraison). « Ça pousse bien dans les pentes », remarque-t-elle, alors il faut affronter le dénivelé à chaque sortie. Clément Clerc est également arrivé à la conclusion que les endroits bien drainés étaient propices à ce fruit, de même que les « zones perturbées » (par exemple, là où il y a eu un feu), à la manière du bleuet. Il fait donc de la « prospection » dans son coin pour trouver les meilleurs arbres, et s’est entendu avec des producteurs agricoles pour pouvoir accéder à leurs haies.

Le prochain fruit à la mode?

L’amélanche pousse très bien au Bas-Saint-Laurent et elle a un vrai potentiel commercial, selon les deux cueilleurs : leurs butins respectifs, proposés en vente directe, s’envolent en un claquement de doigt. La clientèle est formée de familles qui ont découvert ce fruit, mais aussi de restaurateurs et de transformateurs divers, comme des pâtissiers ou la microbrasserie Le Bien le Malt, qui achète de l’amélanche de La Cabottine pour aromatiser une bière.

Dans l’ouest canadien, il y a longtemps que l’amélanche s’est imposée, notamment en Saskatchewan où on la nomme Saskatoon berry. Mais ne nous y trompons pas : c’est bien la baie, plus exactement son appellation en cri mis-sask-guah-too-min, qui est à l’origine du nom de la plus grande ville de cette province, et non l’inverse! Là-bas, elle est cultivée de manière industrielle, et on trouve partout tartes et confitures.

Rien de tel n’existe au Québec, mais il y a tout de même une petite culture dans Les Basques, chez Douceur d’ici à Sainte-Rita, qui possède 25 arbres. Signe que le fruit crée des accros, il y a quelques années, la copropriétaire Francine Ouellet vendait sa production dans des paniers d’un demi-litre ou un litre au marché public de Rimouski; aujourd’hui, elle est passée à des récipients de 3 litres! « Le fruit cultivé est facilement deux fois plus gros, explique-t-elle. Je le trouve meilleur, plus juteux, avec moins de pépins à l’intérieur. » 

Les cueilleurs de petite poire sauvage diront probablement l’inverse, mais Clément Clerc sera bientôt bien placé pour porter un jugement objectif : il a décidé de commencer une culture d’amélanche pour diversifier la production de sa ferme, La Borderie, spécialisée dans les volailles élevées à l’extérieur. Il a prélevé quelques amélanchiers sauvages qu’il a plantés en rangée, et compte aussi acheter des cultivars indigènes et de l’ouest canadien, afin de faire des comparaisons. Parallèlement, il entretient sa haie de manière à ce qu’elle fournisse davantage.

La saison 2020 est déjà presque finie et si elle a été « excellente » du côté des cultures de Douceur d’ici, elle a en revanche été mauvaise pour les cueilleurs : les amélanchiers ont souffert de la sécheresse, puis des forts vents et de la pluie. À tel point que cet été, La Cabottine songe à abandonner sa traditionnelle confiture d’amélanche pour proposer plutôt un mélange amélanche-framboise… Cela ne devrait toutefois pas freiner la popularité grandissante de l’amélanche, juste suggérer une recette de plus pour la déguster!

 

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