Le blogue du rédac

Alerte à la berce

Par Rémy Bourdillon le 2020/08
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Alerte à la berce

Par Rémy Bourdillon le 2020/08

Si, en passant par le Témiscouata, vous voyez quelqu’un en pleine nature vêtu d’une combinaison blanche avec capuche, de gants et de visière de protection, n’ayez crainte, cela ne veut pas nécessairement dire que le coronavirus s’est rendu là. Il est probable que vous ayez affaire à Anthony Deschênes-Bellavance en train de mener la guerre à la berce du Caucase. 

On ne badine pas avec cette belle plante aux fleurs blanches, dont la hauteur varie de un à trois mètres, voire jusqu’à cinq. D’abord parce que sa sève est dangereuse pour l’humain : translucide, celle-ci contient une toxine qui élimine la protection naturelle de la peau contre le soleil. Si on a manipulé la berce, on peut donc être ultrasensible aux rayons UV pendant plusieurs jours sans s’en rendre compte, et subir des brûlures au deuxième degré. 

Mais la berce du Caucase est également extrêmement envahissante, parvenant à éliminer toutes les autres espèces de la parcelle qu’elle décide de coloniser. « Vu qu’elle n’est pas indigène, elle n’a aucun compétiteur… même les animaux ne sont pas intéressés à la manger », dit M. Deschênes-Bellavance. Depuis quatre ans qu’il est chargé de l’éradication de cette plante pour le compte de l’organisme de bassin versant (OBV) du fleuve Saint-Jean, il l’a vu pousser dans tous les milieux imaginables, y compris l’asphalte et le roc, et même ruiner des terres agricoles. 

L’éliminer exige un travail colossal : on l’extrait totalement du sol avec une pelle, mais ce n’est pas suffisant, puisque ses graines disséminées dans le sol peuvent éclore sur cinq ans. Il faut donc revenir arracher les rejetons pendant plusieurs années sur chaque site identifié.

La berce du Caucase a été introduite au Québec à des fins ornementales, explique Anthony Deschênes-Bellavance. Les gens la trouvaient belle et s’échangeaient des graines, et il fut même un temps où les pépinières en vendaient. « Quand ils se sont rendus compte que ça débordait de leurs plates-bandes, ils se sont mis à l’arracher. C’est là qu’on a eu les premiers cas de brûlures. » Aujourd’hui encore, l’humain est un vecteur important de la propagation des graines (ce qui peut aller vite, chaque plante en produisant 20 000), par exemple lors de l’entretien des fossés ou tout simplement en roulant sur une fleur avec un véhicule.

Trois types de berces 

Lorsqu’on pense avoir affaire à la berce du Caucase, il est recommandé de faire appel à des organismes spécialisés, pour qu’ils puissent faire un suivi adéquat. Mais aussi parce qu’il existe une berce indigène au Québec, la berce laineuse, et il serait dommage qu’elle paie pour les défauts de sa lointaine cousine.

Il existe aussi une troisième variété, la berce spondyle, qui a littéralement envahi la vallée de la Matapédia (où la berce du Caucase est absente) mais qu’on ne trouve presque pas ailleurs au Québec. Moins imposante que sa cousine du Caucase, elle est par contre beaucoup plus abondante, notamment entre Amqui et Sayabec, et se déplace vers Lac-au-Saumon et Causapscal. Elle aussi chasse toutes les autres plantes de son territoire, et s’invite jusque dans les cours des résidents d’Amqui.

Cela fait cinq ans que la berce spondyle est considérée comme une plante exotique envahissante par le ministère de l’Environnement et que des efforts sont déployés pour l’éradiquer, mais elle est probablement présente dans la Matapédia depuis plusieurs décennies. « Quand on s’en est rendu compte, il y avait déjà énormément de travail à faire », explique Valérie Delisle-Gagnon, chargée de projet à l’OBV Matapédia-Restigouche. 

Le travail en question est sensiblement le même que pour l’autre berce, mais il existe aussi une autre méthode : recouvrir les zones contaminées par une bâche noire, assez épaisse pour ne pas être percée, et la laisser en place pendant au moins deux ans avant de réensemencer avec d’autres végétaux. Pas l’idéal dans un jardin, mais aux grands maux les grands remèdes…

Fait intéressant, la berce spondyle est une plante comestible en France. Pourrait-on simplement manger celle qui colonise la Matapédia? « J’ai essayé, et ça brûle la langue, témoigne Valérie Delisle-Gagnon. Il arrive que des plantes soient comestibles à certains endroits et pas à d’autres, parce que l’environnement modifie la quantité de toxines qu’il y a dans la plante. » Alors on lâche les fourchettes, et on sort pelles et bâches…

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