
Depuis ce mardi, le village de Saint-Paul-de-la-Croix n’a plus de maire. Simon Périard, qui occupait le poste depuis 2017, a subi un infarctus en janvier et récupère moins bien qu’il ne l’espérait. Il a donc préféré démissionner plutôt que de mettre à risque sa santé.
Également fermier, il n’a pas ménagé ses efforts depuis son élection, travaillant « 30 à 40 heures par semaine », faisant énormément de recherche sur les dossiers concernant sa municipalité ou la MRC. Mais M. Périard s’est surtout distingué par son combat contre ce qu’il appelle « les vieilles façons de faire » de son conseil municipal : il voulait davantage de transparence dans la prise de décision et une gestion plus saine des organismes municipaux, en « arrêt[ant] de faire des chèques en blanc ». « Il n’y a jamais eu de restructuration ou de rétroaction sur nos façons de faire pour essayer d’économiser de l’argent », soutient-il.
Aller contre les habitudes est mal vu dans le milieu municipal, et à Saint-Paul-de-la-Croix, les tensions n’ont pas tardé à se faire sentir. Selon M. Périard, quatre conseillers, élus par acclamation, n’étaient pas d’accord avec les réformes qu’il proposait. « Une élue a démissionné en premier parce qu’elle ne pouvait plus endurer le climat. C’était tout le temps des attaques, de la méchanceté, de l’opposition systématique. » En juillet 2019, le groupe des quatre, qui reprochait entre autres à Simon Périard de « s’enfarge[r] dans les procédures » et de souvent utiliser son droit de veto, a claqué la porte. Ne voulant prendre parti, le dernier conseiller a suivi.
Principale pomme de discorde : les réunions de travail, ces fameuses rencontres organisées en amont des séances publiques du conseil municipal pour que les élus puissent discuter des sujets à l’ordre du jour. « Le fait que tout soit à huis-clos, décidé d’avance, et qu’il n’y ait pas de délibération des élus en public, c’est quelque chose qui m’agaçait beaucoup, affirme le désormais ex-maire. Et c’est quelque chose que les quatre élus tenaient à conserver. »
Les arguments pour continuer à fonctionner de cette manière ne convainquent pas du tout Simon Périard. « Ce que j’ai pu ressentir, c’est que les élus ne veulent pas qu’on sache les motivations qui les poussent à prendre une décision. La raison invoquée, qui ne veut rien dire, c’est qu’on est habitués à faire ça en famille, ça va plus vite. C’est complètement faux, ça ne sauve pas de temps parce qu’on reprend tout en double : en réunion de travail, puis en séance publique. »
L’esprit bafoué de la loi
Le maire Périard fait partie de ces élus (à l’instar de la conseillère du Bic, Virginie Proulx) qui voudraient que les choses changent. Sa proposition? Que tout ce qui doit rester confidentiel (soumissions, dossiers impliquant des citoyens…) soit traité dans des réunions à huis-clos, et que le reste soit débattu et voté « à haute et intelligible voix » devant public. « Par exemple, lorsqu’on veut refaire un bout de route, tous les conseillers devraient commenter devant public : moi je pense que oui, moi je pense que non, on va commander telle étude… »
Cela correspondrait à l’esprit des lois municipales, ainsi que l’a expliqué l’ancien ministre des Affaires municipales Rémy Trudel lorsque Virginie Proulx a été exclue des comités pléniers à Rimouski. À l’inverse, M. Périard (qui a aussi eu quelques prises de bec au conseil des maires de la MRC) pense que les décisions prises à l’abri du regard des citoyens et présentées ensuite comme étant prises à l’unanimité arrangent des élus confortablement installés dans leur fauteuil, leur permettant de « rendre le moins de comptes possible », voire « contourner des règles » dans certains cas.
Le problème avec l’esprit de la loi, c’est que chacun peut l’interpréter à sa manière. Tant que ne seront pas inscrits dans la loi des motifs clairs et précis justifiant la tenue de réunions à huis-clos, les conseils municipaux en abuseront. Après que la direction régionale du ministère des Affaires municipales ait suggéré au conseil municipal de Saint-Paul-de-la Croix de travailler dans le secret pour apaiser les tensions, Simon Périard a interpellé la ministre Andrée Laforest. « J’ai eu une réponse de la direction des opérations du ministère à Québec, qui mentionnait qu’ils ont fait une analyse, et que finalement ce n’était pas illégal. Le ministère lui-même ne respecte pas l’esprit de la loi… C’est questionnable. »
Simon Périard pense quand même avoir fait un peu changer les choses dans son village, qui a été administré par la Commission municipale du Québec jusqu’à l’élection de six nouveaux conseillers, en mars 2020. Sous sa gouverne, il s’est fait davantage de délibérations en public à Saint-Paul-de-la-Croix. « Dans les résolutions qui étaient adoptées, quand j’apportais une argumentation, il arrivait que les élus étaient obligés de contre-argumenter pour justifier la décision. Ça amenait un peu de débat. » Est-ce que cela va continuer? L’avenir le dira, mais l’ex-maire sera présent dans le public, en tant que citoyen engagé qui pose des questions… et qui connaît les dossiers mieux que quiconque.