Bonne nouvelle, on parle beaucoup plus d’environnement. Mauvaise nouvelle, on en parle crissement mal. Surfant sur l’intérêt pour l’environnement, l’industrie culturelle s’est mise à produire du contenu écolo pour mieux détourner le discours, le bourrer de vent et le neutraliser. « Sortons nos bidons et peinturons en vert la médiocrité! »
SÉRIEUX?
Cette émission, au titre d’adolescent attardé, diffusée sur ICI Explora propose des enquêtes maison environnementales. Campée dans une pensée écologique démodée, sauce Steven Guilbeault maître du greenface, on pourrait résumer la propagande de cette émission par « Acheter, c’est voter. » D’emblée, on apprend que « les animateurs vont même jusqu’à fouiller dans les poubelles de gens connus pour analyser leur contenu ». Ce n’est pas de dumpster diving dont il est question ici, mais de sniffeurs de bobettes professionnels. N’est-ce pas une belle métaphore de notre déchéance? L’expression péjorative « fouiller dans les poubelles de quelqu’un », qui signifie ne pas se mêler de ses affaires, est maintenant recyclée en concept télé. Au moins, ils recyclent. Si nous devons marcher vers le dépotoir de l’humanité, faisons-le en se filmant l’égocentrisme. D’ailleurs, à peu près tout ce que font les vedettes à la télévision, si on enlève les caméras, relève plus des troubles de santé mentale que du divertissement. La Fureur, sans caméra, ça se passe à Pinel. Je m’égare. Donc, Sérieux? nous permet également de savourer une délicieuse entrevue avec Jean-Philippe Wauthier dans un parking où le dandy-bio nous expose son char de luxe électrique qu’il contrôle avec son iPhone. Wow. Vouloir se moquer de nous autres qu’y s’y prendraient pas mieux. Ces écolos, aussi radicaux qu’une manif de réformistes modérés, poussent même l’audace jusqu’à calculer ce qui dépense le plus d’électricité entre une bouilloire et une machine à café filtre. Babylone tremble! Parce qu’évidemment, si on construit de nouveaux barrages électriques, de nouvelles centrales nucléaires et que l’industrie du charbon est encore bien présente dans le monde, c’est à cause des satanées bouilloires électriques! Le lobby des bouilloires nous cache la vérité! Illuminati, poche de thé, bouilloire : le cerbère à combattre!
PARTIR AUTREMENT EN FAMILLE
C’est le titre d’une série documentaire télé qui a pour slogan « partir en voyage autour du monde pour faire du tourisme responsable ». Ça donne le ton. Le téléspectateur, qui n’a pas les moyens de voyager de façon aussi responsable ou simplement de voyager tout court, peut admirer des vedettes se rendant dans des éco-villages partout dans le monde, où des Autochtones leur offrent de masser leurs pieds d’Occidentaux. C’est de l’éco-tourisme, parce qu’ils daignent contourner les zones protégées et jeter leurs butchs de cigarette ailleurs, et qu’ils remplacent le climatiseur par une vedette qui essaye d’être drôle en créant de nombreux frettes. Ils font également de l’éco-camping parce qu’ils ramassent leur tente avant de partir, au lieu de la brûler avec les sherpas à l’intérieur comme dans le bon vieux temps. C’est parce qu’une vedette, c’est sensible. Alors, pour ne pas gaspiller leur eau bénite d’yeux de vedettes, y faut leur dire que leur voyage peut être « vert ». (À noter que pour mimer ces guillemets à l’oral, il faut emprunter la grosse main à Gildor Roy tellement ils sont en caractère gras.) Le vieux mirage du 20e siècle alors que l’industrie du tourisme couplée au développement durable allait sauver le monde. On est en train de manquer de peinture verte là. Ainsi, les éco-bourgeois à bord d’un éco-avion en commun peuvent voyager l’âme en paix et se rendre dans les endroits les plus pauvres du monde pour les parcourir en éco-hélicoptère de bambou, en éco-4×4 diesel et à dos d’éléphants verts syndiqués, pour s’adonner, juste pour le fun, à la dégustation de grillons locaux en criant de dégoût devant les villageois. Comme une centrale qualifiée d’éco-nucléaire parce que la cafétéria de l’endroit a banni les pailles en plastique. Des millions d’éco-touristes qui font un éco-voyage dans des éco-hameaux, qu’on le veuille ou non, ça te éco-décâlisse la biodiversité.
Si on transpose le degré de pertinence de ces programmes télé dans un autre domaine, c’est l’équivalent d’une série sur le féminisme qui poserait la question du jour : « Est-ce que les femmes devraient avoir le droit de vote? » Avouons qu’il faudrait être un fieffé conservateur misogyne pour se réjouir en se convainquant : « Au moins, on en parle. C’est mieux que rien. » Non. Voilà où en est rendue la parole écologique dans nos médias.