Champ libre

Jean-Paul Fenêtres intimes

Par Rose-Marie Lafrance le 2020/05
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Jean-Paul Fenêtres intimes

Par Rose-Marie Lafrance le 2020/05

De 1986 à 2002, Huguette Vachon a partagé la vie de Jean-Paul Riopelle. Jusqu’à la mort du peintre, elle sera à ses côtés, l’accompagnant aussi bien en France que sur les battures du fleuve Saint-Laurent. Pour éviter que ses souvenirs disparaissent, elle a un jour décidé de les mettre sur papier. Publié chez Leméac Éditeur en début d’année, son récit nous invite dans l’intimité du peintre et de sa création.

Partager la vie de Riopelle n’est pas de tout repos. Le peintre a beaucoup d’amis. Il apprécie la fête, les repas bien arrosés, les discussions qui se prolongent jusqu’au milieu de la nuit. De 30 ans sa cadette, Huguette doute de trouver une véritable place auprès de cet homme aimé et admiré qu’elle décrit comme « plus grand que nature ». Elle y parviendra pourtant et deviendra ainsi le témoin privilégié de son travail.

Riopelle aimait la nature, les couchers de soleil, les chiens, les oiseaux. Par une anecdote, une parole retrouvée, une odeur, Huguette Vachon nous entraîne avec elle sur la pointe de l’Île-aux-Grues ou au manoir MacPherson, la dernière résidence de Riopelle. Elle nous convie également dans l’atelier du peintre en France et à l’Estérel dans Les Laurentides ou dans celui beaucoup plus modeste de l’Île-aux-Oies. C’est sur cette île balayée par les vents que Riopelle peindra L’Hommage à Rosa Luxemburg, une fresque immense créée en un temps record.

L’histoire qui entoure la création de l’œuvre est fascinante. Dans le petit atelier de l’Île-aux-Oies, les tubes de peinture et les aérosols s’accumulent. L’élan du peintre doit être nourri. Riopelle réclame des fougères, des clous, un fer à cheval et les oiseaux qui seront sacrifiés pour servir de modèles. Ils reprendront vie sur la toile, car Riopelle savait, comme l’écrit Huguette Vachon, « retenir l’âme des oiseaux ». Abandonnée dans l’atelier, l’œuvre sera récupérée en plein hiver lors d’une mémorable expédition en motoneige et ramenée sur un traîneau.

En ouvrant les fenêtres de sa mémoire, Huguette Vachon se remémore également tous ceux qui venaient saluer le peintre, partager ses repas ou admirer son travail. Ainsi, au fil de son récit apparaissent tour à tour la peintre Joan Mitchell, Madeleine Arbour, Gilles Vigneault, le sculpteur Jean-Julien Bourgault et son fils Pierre, et bien d’autres encore.

« Tu es caché dans les battures, caché dans les joncs », écrit Huguette Vachon en s’adressant à son compagnon décédé. « Tu sais qu’aujourd’hui les oies arrivent. » L’écriture est simple et belle, nous invite à la confidence. C’est sans plan précis, au fil de ses souvenirs, que l’auteur livre son témoignage. Elle raconte avec tendresse l’homme tant aimé, le grand artiste que fut Jean-Paul Riopelle.

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