
Western Exit : séparation du Canada à partir du Très-Haut-Canada. Quel est le but de cette séparation? Où sont nées les racines de ce désir? Est-ce l’émancipation d’un peuple qui veut trouver ses propres repères culturels et identitaires? L’abolition d’une relation colonisatrice et la recherche de liberté face à un oppresseur? Une lutte de classes où le travailleur tente de reprendre le dessus sur le patronat exploiteur afin de s’offrir une meilleure qualité de vie? Disséquons!
Un début
On peut situer les racines du Wexit en 1980, lorsque Pierre-Elliott Trudeau a lancé le Programme énergétique national (PÉN) en réaction à la crise pétrolière des années 70. Le PÉN a permis de garder les prix du pétrole plus bas, entre autres pour soutenir les industries manufacturières du Québec et de l’Ontario. Dans les années suivantes, les provinces productrices de pétrole et de gaz naturel (Alberta, Saskatchewan) sont entrées en grave récession. Le lien de cause à effet n’est pas clair entre ces deux événements, mais même aujourd’hui, il y a des protagonistes sur les deux fronts. La campagne de Brian Mulroney contre le PÉN a contribué à l’élection d’un gouvernement conservateur en 1984. Une fois au pouvoir, il a éliminé ce programme et privatisé Petro-Canada. Mais les racines du Wexit peuvent remonter encore plus loin…
Le sentiment d’être une colonie d’Ottawa est présent depuis la fondation de l’Ouest. Les provinces de l’Alberta et de la Saskatchewan ont été créées en 1905 en tant que régions ressources d’hydrocarbures et de mines. On peut donc dire que la région a été créée afin d’exploiter des ressources qui seront gérées, autant pour la production que pour la vente, par Ottawa.
Séparer l’Ouest, mais jusqu’où?
Le mouvement Wexit, qui s’est d’abord implanté en Alberta, s’est réellement fait connaître grâce à Peter Downing, à l’issue de la réélection de Justin Trudeau le 21 octobre dernier. Dans des entrevues disponibles sur le Web, on constate que ses arguments en faveur de la sortie de l’Ouest sont assortis de promesses propipelines, propétrole, antiimmigration et de déni des changements climatiques. Le mouvement Wexit est-il un appendice du Parti républicain états-unien?
Un autre joueur important est Dave Bjorkman qui a refondé l’Alberta Independence Party (AIP) en 2018, parti qui avait déjà existé lors de l’élection provinciale de 2001. En 2019, le parti a présenté en Alberta 63 candidats alors que la province compte 87 circonscriptions, c’est plus que le Parti libéral avec ses 51 candidats! L’Alberta Independance a récolté 13 000 votes, soit 0,71 % des voix. Il tient à se différencier du mouvement Wexit, « parce que nous, c’est seulement l’Alberta », dit Bjorkman. Comme il a accepté de répondre à mes questions, je lui ai demandé si l’Ouest se sentait comme une colonie du « Eastern Canada » (en référence à l’Ontario et au Québec). « Poser la question, c’est y répondre. On n’est pas l’Ouest, on est Albertain. Tu me traites comme si j’étais dans l’Ouest, alors que je suis Albertain », dit-il. On ne veut donc rien savoir de la Saskatchewan ni du Manitoba? Et dans tout ça, personne ne semble se soucier des territoires…
En Saskatchewan, Robert Thomas, rédacteur au Moose Jaw Independent, révèle que le mouvement du Wexit est bien présent en Saskatchewan depuis la réélection de Trudeau le 21 octobre dernier : « Les gens voulaient vraiment un gouvernement conservateur. Ils sont très fâchés contre Trudeau. Et c’est la première fois depuis 40 ans que le mouvement Wexit dépasse 1 % dans la province, c’est énorme! Un sondage indique que 10 % des Saskatchewanais sont pour la séparation de l’Ouest, et quand on sort des villes, je dirais que ça avoisine les 90 % ». Il indique aussi que le Wexit est un mouvement de droite, propétrole : « Les gens n’ont plus d’emploi. La valeur des maisons baisse. Ajoutons la taxe carbone sur l’essence, l’absence de pipeline pour exporter le pétrole que l’on produit, les gens sont fâchés. Les agriculteurs ont besoin d’essence pour leurs tracteurs. Il n’y a pas de transport en commun dans les petites localités, les gens ont besoin d’avoir une voiture pour se déplacer. Taxe Carbone! » De plus, trois étés de sécheresse, suivis de saisons des récoltes humides, ont engendrés des récoltes atroces en Saskatchewan : « La saison végétative était mauvaise pour les plantes et, une fois récolté, il fallait utiliser des combustibles fossiles pour faire sécher le grain. Encore une fois : taxe carbone! » Quand je lui demande si les gens font un lien entre les changements climatiques et ces événements météorologiques, il répond : « Les gens de gauche, oui. Les gens de droite, non. »
Quand je pense au mouvement Wexit, je ne vois nulle trace d’une émancipation culturelle. Aucune lutte des classes. On ne dirait pas non plus qu’on veut se séparer pour offrir un avenir meilleur à nos enfants. On veut séparer le territoire dans le but d’en faire ce que l’on veut. Dans une économie mondialisée, on a plutôt besoin de solutions globales, mais ici, on veut faire à sa tête, se séparer pour exploiter les ressources sans avoir à demander la permission à qui que ce soit.
Néanmoins, l’Ouest rêve de l’abolition d’une relation colonisatrice par laquelle Ottawa prend toutes les décisions importantes. Mais séparer un territoire dans le but d’en faire une république de bananes, une « monoculture » d’hydrocarbure qui n’a pas su diversifier son économie au cours des 50 dernières années, est-ce une si bonne idée? Ce qui est certain, c’est que l’acte de fondation du Canada, signé le premier juillet 1867 par John A. Macdonald et la reine Victoria à Londres, devait donner un regroupement de provinces fortes, unies par un gouvernement central mince. Aujourd’hui, Ottawa prend beaucoup de place, et les provinces veulent avoir leur mot à dire. Même les municipalités veulent plus de pouvoir! En se gérant en petites communautés, tout en gardant une vision globale du monde, peut-être qu’on obtientra de meilleurs résultats? Décentralisons!
Une version plus longue de ce texte sera disponible sous peu sur le site web du Mouton Noir, sur le blogue du cornu