
On peut d’ores et déjà présumer que le règne de Donald Trump s’achemine inéluctablement vers sa fin. Il semble en effet inconcevable que le potentat en puissance puisse se maintenir au pouvoir encore bien longtemps et qu’il soit même dans une position telle qu’il puisse songer à briguer les suffrages lors des élections présidentielles en 2020. La récente victoire des démocrates et cette nouvelle majorité à la Chambre des représentants qu’ils étrennent déjà, et qui leur prodiguera un fantastique arsenal judiciaire; l’enquête du commissaire Robert Mueller dont les griffes se referment inexorablement sur sa proie; les ripostes de plus en plus cinglantes aux attaques frontales et continues menées contre les institutions phares du pays par le président, voilà autant de signes avant-coureurs annonçant vraisemblablement la fin de ce sinistre vaudeville.
Il est évident que Donald Trump ne lâchera pas le morceau si facilement. Mais l’homme s’avère trop brouillon et trop maladroit pour que l’espèce de coup d’État larvé qu’il tente en essayant de subjuguer l’appareil judiciaire, notamment par la nomination de son sbire Matthew Whitaker au poste de procureur général intérimaire, ait quelque chance de réussir. Mais avouons que nous l’avons échappé belle. Si Trump s’était montré un tout petit peu moins narcissique et imbu de sa personne, s’il s’était dévoilé plus fin stratège, masquant son jeu par moments, cherchant à élargir sa base, atténuant les accents les plus irritants de sa rhétorique, s’il avait moins de squelettes dans le placard, il est fort à parier que les États-Unis d’Amérique auraient peine à éviter les écueils de l’une des pires dérives autoritaires de leur histoire.
Trump n’a pas émergé d’une boîte à surprises. Il est le fruit de son époque tout comme nombre d’autocrates ont pu éclore à la faveur d’un climat économique ou politique bien déterminé. Ainsi Adolf Hitler a grandi sur les cendres du traité de Versailles, considéré comme trop sévère à l’égard d’une Allemagne exsangue à l’issue de la Première Guerre mondiale. Plus près de nous, la récente victoire au Brésil du militaire de réserve d’extrême droite Jair Bolsonaro émane en partie d’une situation économique catastrophique à laquelle ne sont pas étrangères les prévarications de la gauche de Lula et consorts. Trump se nourrit du ressentiment et des frustrations d’une classe d’hommes blancs qui s’estiment floués et menacés d’être mis en minorité sur leur propre territoire. Jouant avec le feu, le président tisonne les braises de l’intolérance et ce sont ces multiples foyers qui génèrent l’énergie où il puise sa force.
Il est dit que le populisme gagne du terrain partout. Certes ceux qui s’abreuvent à cette source et y puisent le levain de leurs démagogiques saillies ne sont pas tous des dictateurs en puissance. La droite se décline à différents degrés et sous diverses latitudes. Ses tenants partagent cependant une idéologie commune : elle fait l’apologie du capitalisme à tout crin, prône la déréglementation dans une foule de domaines, vise une diminution drastique de l’État et de ses composantes. Ces récentes années, la droite se rallie à un autre postulat : les changements climatiques n’existent pas. On ne s’affiche même plus climatosceptiques, on est devenu carrément climatonégationnistes. Comme Donald Trump, comme Jair Bolsonaro, comme Doug Ford et des dizaines d’autres dirigeants à travers le monde.
Or le dérèglement climatique existe bel et bien. Ses effets seront de plus en plus dévastateurs et exerceront une pression sans précédent sur nos sociétés. Ces bouleversements risquent d’être le ferment de divisions profondes, de déchirements et de conflits majeurs. Ici, au Québec, on n’a qu’à voir ces disgracieuses turbulences suscitées par la polémique autour du Pacte pour la transition, une initiative pourtant bien timide. Voilà un inélégant avant-goût de ce qui nous guette si nous continuons à miser sur la division plutôt que sur la cohésion et la concertation. Il y a là un terreau éminemment fertile pour les populistes de tout acabit et la tentation totalitaire n’aura jamais été aussi forte, parce que totalement réductrice.
C’est pourquoi il faut d’ores et déjà se protéger contre cette éventualité et chercher à éviter ses néfastes dérives. C’est notre mode de vie à tous et à toutes, à chacun et à chacune, qui engendre et perpétue cet état de dégradation de la planète qui est aujourd’hui notre lot. Le problème est collectif, la responsabilité doit l’être aussi. Et si les actions individuelles constituent un réel impératif, il n’en demeure pas moins que les différents paliers de gouvernement doivent prendre le combat à bras le corps, assumer, autant sur le plan moral qu’au chapitre de la logistique, un véritable rôle de leader dans cette lutte, sans doute le plus grand défi que l’humanité ait connu. On risque sinon que le trou béant de l’inaction soit comblé par quelque petit despote à la sauce Trump s’étant donné le mandat de sauver le monde « à sa manière ».