
Patrimoine. « Cachez ce mot que je ne saurais voir », pourrait dire le conseil municipal de Rimouski, qui semble résolu à envoyer les bulldozers faire la fête à l’édifice presque centenaire des Ateliers Saint-Louis afin de libérer le terrain où serait érigé un nouveau bâtiment pour le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS).
Les Ateliers Saint-Louis n’ont ni l’histoire ni l’architecture de la magnifique maison Boileau, récemment démolie par un directeur général nouvellement en poste sur ordre de l’excité maire de Chambly, Denis Lavoie, mais ce bâtiment en béton et en briques fait néanmoins partie du patrimoine rimouskois. D’une part, c’est l’une des plus anciennes écoles du centre-ville — allez voir sur la page Facebook Souvenirs de Rimouski où des dizaines de citoyens parlent de leur école primaire et où plusieurs plaident en faveur de sa préservation — et d’autre part, c’est l’un des seuls bâtiments entre la rivière Rimouski et l’avenue de la Cathédrale à avoir été épargné par la « nuit rouge » du grand feu du 6 mai 1950. D’ailleurs, avec tout ce qui est passé sous le pic des démolisseurs depuis, on en vient à se demander si Rimouski n’est pas toujours en proie à un autre type d’incendie, celui qui brûle dans la tête des décideurs et les fait s’en prendre systématiquement aux bâtiments patrimoniaux. Pour achever l’inachevé de la nuit rouge?
La liste est longue, à l’est comme à l’ouest : la maison Lepage, rue Saint-Germain Est, abattue pour faire des espaces de stationnement, l’ancien Institut maritime du Québec, rue Saint-Louis, rasé pour faire place à l’hôtellerie de l’Association du cancer de l’Est du Québec, la Maison des Jésuites, cette grande maison blanche en bois — « avec des galeries tout le tour comme tant d’autres au Québec », avait dit celui qui avait ordonné sa démolition, le maire de l’époque, Philippe Michaud, pour construire sur son immense terrain la bibliothèque Lisette-Morin, puis celle qu’on appelait la « maison de la voyante », rue La Salle, dans le quartier Nazareth, « remplacée » par un ensemble de condos modernes.
À Rimouski, la préservation du patrimoine est depuis longtemps victime d’un je-m’en-foutisme généralisé. Et il n’y a ni vision à long terme, ni leadership ou volonté politique à l’horizon pour espérer que cela change. Pendant ce temps, la cathédrale Saint-Germain continue de se détériorer sous l’œil indifférent d’une population qui donne tout son sens à l’expression majorité silencieuse. Et, chose certaine, avec la façon dont elle a géré les Ateliers Saint-Louis, la Ville de Rimouski serait bien malvenue de faire la leçon à l’Archevêché de Rimouski, qui ne veut rien faire pour la cathédrale, malgré le pécule de plusieurs dizaines de millions qui dort dans ses coffres.
Le maire Marc Parent estime que les Ateliers Saint-Louis sont irrécupérables parce que la bâtisse est inoccupée depuis plus de dix ans et n’est plus chauffée depuis quatre ans. Selon des experts de l’architecture et du patrimoine, l’édifice pourrait sans aucun doute être restauré, mais cela nécessiterait des frais très importants, en raison de son piteux état. Et comme à Rimouski, le compte de taxes est celui qui parle plus fort, la Ville de Rimouski prendra vraisemblablement la décision de démolir pour repartir « à neuf ». À défaut de politique éclairée…
Le maire Parent propose qu’un concours d’architecture soit instauré pour concevoir un nouveau bâtiment qui rende hommage au futur défunt édifice des Ateliers Saint-Louis. Belle idée, mais le plus bel hommage n’aurait-il pas été de le protéger et de le restaurer quand il en était encore temps?