
Le ministère de la Culture et des Communications annonçait au mois de mai dernier la mise en place d’un programme pour soutenir l’accès gratuit à certains musées du Québec. Ses intentions étaient de « promouvoir la richesse culturelle des institutions muséales […] [et d’] offrir l’accès gratuit le premier dimanche de chaque mois […] Cette mesure, s’adressant aux résidents du Québec, vise à favoriser l’accès, la participation et la contribution de tous à la culture. »
La réaction critique de plusieurs musées à l’endroit de ce projet ne vise pas la gratuité, mais plutôt la façon dont ce programme a été amené et l’absence de consultations. De l’ingérence gouvernementale en quelque sorte! Les commentaires d’une intervenante du milieu sont fort clairs : « C’est une idée citoyenne absolument louable dans l’intention, mais on doit s’interroger sur son application, ses résultats à long terme et ses impacts. »
Ce n’est pas que l’accès gratuit au musée soit une idée saugrenue; en fait, la gratuité reflète une volonté de démocratiser des institutions. Louis Rolland (1877-1956), juriste français et père des lois sur les services publics, a imaginé la gratuité comme un des principes du service public. Par contre et entre autres en Amérique du Nord, le principe de gratuité ne s’applique pas aux services publics de l’industrie et du commerce. En fait, payer pour les services publics de commerce fait partie intégrante de notre culture, c’est le prix payé en échange d’un service rendu, que ce soit pour un billet de cinéma, un billet de spectacle ou un billet de hockey. Alors, quel argument soutient la gratuité pour les musées?
Pour saisir les enjeux de la gratuité, il faut examiner le musée comme une unité économique, sociale et autonome. Une analyse sommaire de la situation montre comment le financement des musées dépend en grande partie de subventions. Cela est un point fondamental pour comprendre comment les musées concilient les objectifs de gestion des collections, ceux d’établir des programmes artistiques d’intérêt public et, dans un même souffle, de créer des activités de financement pour augmenter leurs revenus. Les musées subissent de constantes pressions pour augmenter le pourcentage de leurs revenus autonomes, pour accroître le nombre de visiteurs, pour générer des sources de financement, pour attirer des dons et finalement se justifier face aux bailleurs de fonds dont les intentions et les priorités varient.
Le ministre des Finances soutient des programmes anémiques et les musées s’appauvrissent.Les compensations sont insuffisantes pour couvrir les dépenses engagées en soutien à cette initiative de gratuité. Ainsi en 2018-2019, le Musée du Bas-Saint-Laurent recevra 400 $; le Musée régional de Rimouski, 1 470 $; et le Site historique maritime de la Pointe-au-Père, 100 000 $.
Les musées offrent depuis des années des plages de fréquentation gratuite. Ces plages se déplacent de saison en saison pour accommoder différents publics cibles et pour atteindre des objectifs de développement inscrits dans leur plan stratégique. On comprend donc que la gratuité et l’accessibilité sont partie intégrante des valeurs muséales et qu’ici, la discussion porte plutôt sur la prise en otage des musées et du Ministère par le politique. L’ingérence gouvernementale dont fait foi la mise en place de ce projet remet en cause l’imputabilité et l’autonomie de gestion des institutions.