
Sensorielles : autour de Paul Chanel Malenfant se penche sur l’œuvre de l’imposant poète. Le recueil, un ouvrage collectif à paraître aux éditions du Noroît, regroupe entre autres des textes de Madeleine Gagnon, d’Hugues Corriveau et d’Élise Lepage.
J’ai toujours aimé les collectifs, j’avais donc hâte de m’y plonger, mais je ne connaissais pas vraiment l’œuvre de Paul Chanel Malenfant, ou seulement de nom et de réputation. Donc, j’ai lu. Le plus que je pouvais. Et ce fut une ravissante découverte.
Comment aborder un collectif auquel plus d’une quinzaine d’auteurs participent quand leurs textes ne se ressemblent pas et que tout diffère : le fond comme les formes ? J’ai décidé d’y aller de manière intuitive en essayant de respecter à la fois l’individualité des textes et leur force collective.
Il faut souligner que tous les auteurs semblent réellement près de l’homme et de son œuvre, et qu’ils lui rendent hommage, le célèbrent. Et c’est beau cette solidarité. À la fin de presque 400 pages, ce qui m’est le plus resté en tête, ce sont les citations de Malenfant. Non pas que les textes autour n’étaient pas marquants, vraiment pas, c’est qu’ils étaient humbles et l’humilité en littérature, ce n’est pas si fréquent.
Le recueil s’ouvre sur un entretien entre Évelyne Gagnon, Louise Dupré, Jacques Paquin et Paul Chanel Malenfant. Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est la partie centrale du livre, mais presque. Ou du moins, ça pose bien les bases. On découvre un artiste intelligent, sensible, éloquent qui vulgarise très bien son travail, c’est d’ailleurs probablement ce qui rend sa poésie si forte.
Le texte suivant m’a laissée un peu sur ma faim. Martine Audet offre ses notes de lecture regroupées en vers. On se retrouve devant des poèmes écrits à propos d’autres poèmes. L’idée est bonne, mais j’avais l’impression de lire une suite : si les suites sont toujours agréables, elles ne sont jamais pleinement satisfaisantes. Presque à mi-chemin, le texte d’Anne-Renée Caillé révèle brillamment la dualité de l’œuvre de Malenfant : ce qu’il y a de sombre et de plus clair, ce qu’il tait et ce qu’il ne veut pas taire. Ensuite, il y a quelques parties plus froides. Des essais studieux et très formels qui construisent des murs gris et ternes entre les mots de Malenfant et le lecteur. Et les mots, ça ne devrait jamais servir à bâtir des murs.
Toutefois, on se réconcilie assez vite avec le collectif, essentiellement grâce à Francis Langevin et à son texte Rimouski 1999 j’ai 19 ans. On retrouve l’auteur juste avant son entrée à l’Université du Québec à Rimouski en littérature. Il a l’impression de ne pas connaître beaucoup de choses, mais de ne pas être un con. Il aura, à l’automne 1999, son premier cours de création avec Paul Chanel Malenfant. Francis n’a pas encore d’identité littéraire, en fait, il n’est même pas certain de son identité tout court. Mais Malenfant lui en a appris un peu plus sur ce qu’est « la littérature de l’intime ». Il lui a appris que la sensibilité, la vulnérabilité n’avaient pas de sexe, ou qu’elles ne devraient pas en avoir. Francis a aussi appris qu’il était, avant tout, un lecteur-écrivain. Et c’est là, je pense, toute l’essence de ce collectif. Des écrivains qui écrivent, parce qu’ils ont lu.