
Spécialisé en films documentaires populaires, Nicolas Paquet revient après Les sucriers avec un long métrage consacré à l’un des endroits que l’on connaît tous : la cantine. On a toutes et tous notre préférée, celle où l’on va parce que les frites sont plus croustillantes, celle où il y a de la sauce maison ou enfin celle où l’on a nos habitudes. Le cœur a ses raisons.
Le réalisateur d’Esprit de cantine nous propose de suivre deux propriétaires de casse-croûte dans leur quotidien. À Tadoussac, Nathalie, appuyée par la population, lutte pour l’agrandissement du Connaisseur. Elle croit profondément en l’avenir de son commerce. On vit avec elle sa lutte pour le maintenir en vie et assurer sa pérennité. À Saint-Alexandre-de-Kamouraska, Micheline, proche de la retraite et soutenue par ses quatre filles, se questionne sur l’avenir de Chez Mimi. Difficile en effet d’assurer la succession. Ce métier est un sacerdoce et il faut des gens passionnés et l’amour du travail chevillé au corps pour tenir le rythme.
Deux visions, deux manières de vivre la réalité d’une cantine au jour le jour, mais qui partagent un point commun fondamental : le même amour, la même passion.
Et c’est ce qui caractérise le plus le film de Nicolas Paquet. Cet amour sincère que le documentariste porte à ses personnages devient le fil conducteur. Quand le conjoint de Nathalie raconte de manière touchante et délicate sa rencontre avec sa femme, quand nous sommes témoins de l’amour d’une grand-maman pour ses enfants et ses petits-enfants ou lorsqu’on sent la dévotion pour ce travail qui revêt presque un caractère militant afin de sauvegarder ces espaces où les gens se parlent, chaque fois, le film nous amène au-delà de la simple évocation d’un patrimoine culturel. La cantine est un lieu de rassemblement, les habitués s’y retrouvent, échangent, prennent des nouvelles des uns et des autres. On y va en famille, entre amis, tous les âges s’y retrouvent.
Dans une alternance de plans fixes (allez, on ose la comparaison avec Wes Anderson) et de scènes du quotidien filmées caméra à l’épaule, le réalisateur saisit toute la poésie qui imprègne les lieux. Un judicieux travail de montage met en avant avec respect et amour les acteurs. Mine de rien, il y a quelque chose de rassurant et de profondément humain dans ce genre de traitement. À l’heure du narcissisme et de l’ego tout-puissant sur les réseaux sociaux et dans les médias numériques, un réalisateur qui s’efface devant son sujet et donne la parole à des gens du cru fait plaisir à voir.
Ce film ne se veut pas historique, n’allez pas non plus y chercher une analyse socioéconomique de la patate frite au Québec, là n’est pas le but du projet. Nous sommes devant un instantané, le portrait d’une réalité profondément ancrée au Québec qu’il nous incombe de chérir et de sauvegarder.
Parce qu’il y a de l’amour dans ces patates frites.