
Xavier Sénéchal, alias Gueze, revient avec une création multidisciplinaire intitulée Souphl, où trame sonore, images et mots se rencontrent autour d’une idée bien particulière. Le court métrage d’environ quarante minutes se veut expérimental, sans pour autant sortir des sentiers que l’artiste côtoie fréquemment : une musique métal, disons avant-gardiste, et le thème de l’humain, en sa façon d’agir sur ce qui l’entoure, un thème notamment abordé lors des précédentes créations.
Gueze explique brièvement lors du préambule le procédé : un film en six chapitres « représentant différents niveaux d’implication d’un individu dans une communauté […] illustré de manière abstraite par la juxtaposition de vidéos et de l’audio enregistrés sur le terrain, de la musique qui en découle et des textes qui tournent autour du thème de la couture. » Les deux premières séquences du film ont été exclusivement créées à partir de sons captés lors d’une résidence de création au Canyon des Portes de l’Enfer et à Trinité-des-Monts. Xavier s’est entouré de talentueux musiciens de la région (le batteur Richard-William Turcotte et les trois bassistes Thomas Gaudet-Asselin, Sébastien Verret et Pascal Moses) afin de créer une trame musicale à l’image de son ambition.
L’aspect visuel du film se veut exploratoire, dans le sens où chaque prise de vue est travaillée en postproduction avec des effets très percutants. La quasi-totalité des images, représentant la faune et la flore, se transforment en plusieurs paysages abstraits, surnaturels : traitement des couleurs qui passent tranquillement du froid au chaud à mesure que le film avance, effet miroir, saturation, image stroboscopique, tout y est. Le résultat est hypnotisant et très réussi.
La musique est authentique et égale à ce que Gueze offre habituellement : de style métal, très assumée, entrecoupée de moments plus ambiants, glauques et bien ficelés, narrativement parlant.
Les textes poétiques, quant à eux, expriment le déchirement d’un être qui peu à peu s’isole et s’extirpe de sa communauté, le tout dans un champ lexical qui tourne autour de la couture : métaphore habilement choisie pour s’exprimer sur les liens qui peuvent unir certaines personnes, sur le fil conducteur qui les anime.
En dépit du travail exceptionnel de Gueze sur tous les aspects de cette réalisation, j’aurais aimé trouver une relation plus tangible entre le sujet et l’œuvre elle-même, un peu trop abstraite ou effacée à mon avis. Bien que le visuel soit époustouflant, la musique bien maîtrisée et les textes très originaux, j’ai peine à saisir ce qui unit le tout. N’en reste pas moins une œuvre très réussie que j’ai appréciée.