
Lorsque les pouvoirs publics, les « experts » et leurs faire-valoir journalistiques se mettent en tête de tout bousiller dans les propos sentimentaux, ouverts sur l’ouverture, et que ce psittacisme lancinant forme la musique de fond de l’échange, il n’est pas surprenant de voir émerger des censeurs autoritaires qui vendent le beau, le bien, le moral à la pièce. Le peuple est toujours un peu débile, n’est-il pas, et force est de lui attacher des guides autoproclamés et la plupart du temps lourdement subventionnés : après tout, ces indécrottables caquistes en devenir ne sont-ils pas toujours à un doigt de sombrer dans des travers phobiques? Ah! Ce bon vieux progressisme qui érige de nouvelles cités de dieu marinées à la sauce augustinienne! L’essai de Michel Maffesoli, Être postmoderne, certes répétitif et d’humeur légère, a le très grand mérite de penser la fin du progrès comme le début de l’esprit postmoderne; il ne s’agit plus de trouver une direction vers laquelle engouffrer le monde, mais bien plutôt de vivre avec le monde dans un esprit irrationnel, de communion presque religieuse — au sens de religare, « lier » et « relier » — et d’accepter sur le mode holistique qu’une chose et son contraire soient possibles en même temps. Maffesoli parle de la sortie du ou… ou… pour aller vers le et… et… L’ici et l’ailleurs, le masculin et le féminin, la tradition et la projection, etc. Maffesoli écrit : « Pour le dire en termes plus soutenus, l’oxymore est l’expression d’une logique “contradictorielle”. Non plus une logique dialectique où grâce à un dépassement des contraires (le mal, le péché, les dysfonctions) on peut arriver à une synthèse émancipatrice; mais une autre manière de penser, dialogique […] où l’interaction du noir et du blanc, du bien et du mal aboutit à une harmonie conflictuelle qui est le propre de l’humaine nature. » En termes plus simples, et Maffesoli le démontre à quelques endroits, nous serions dans une ère de profonde religiosité qui, ma foi!, donne raison à Malraux puisque le XXIe siècle est bel et bien là, mais qu’en plus, il est, effectivement, religieux.
La postface, faiblarde, d’Être postmoderne est une sorte de portrait d’Emmanuel Macron en homme parfaitement en phase avec l’esprit postmoderne; la démonstration de l’auteur convainc effectivement d’une chose : l’égoportrait est, plus que jamais, l’avenir de nos démocraties fantoches. Macron est un homme du et… et… : et banquier des Rothschild et chef d’un mouvement républicain; et jeune et Français, et sans âge et de tout pays (parce que la France n’a pas de culture propre, disait-il); et j’en passe et des meilleures. Somme toute, ce portrait d’un sans-culotte délavé dévoile au fond une vérité éternelle, décidément, ce texte sera religieux ou ne sera pas, à savoir que la récupération politique de l’esprit d’une époque mène toujours à la caricature. Mais être postmoderne, c’est aussi être en mesure de rire sérieusement de l’état du monde pour mieux le regarder sans vouloir le fixer ou le diriger vers une finalité paradisiaque qui est le travers du progressisme qui agonise quelque part, aux portes du XXIe siècle.