
Avec son troisième recueil de poésie aux Éditions Perce-Neige, Gabriel Robichaud nous propose de le suivre dans une classique déambulation à l’américaine : un road trip identitaire, mais cette fois, en Acadie.
Fatigué de sans cesse se faire questionner sur la provenance de son petit accent charmant, le sujet poétique mis en scène dans le recueil – on se doute qu’il s’agit d’un avatar du poète – prend la route pour redécouvrir ses origines, pour contempler son Acadie natale. « Je souris / Pogne les clés de mon char / Pis je pars » disent les derniers vers du prologue. Et on embarque volontiers avec lui!
Acadie Road est composé de poèmes très brefs qui s’enchaînent rapidement. Divisé en plusieurs parties, le recueil cartographie le territoire acadien. Il chevauche plusieurs provinces et suit à peu près toutes les autoroutes et routes secondaires de la région qui donnent leur nom aux titres des sections : « Détour par la 1 », « De la 101 à la 103 », etc. Le ton employé est tour à tour irrévérencieux – « Le Cap-Breton était l’isle Royale / Sans se préoccuper d’une marque qui torche des culs » – et amoureux, puisque, s’il faut retenir une chose d’Acadie Road, c’est qu’il s’agit bien de l’amour que porte son auteur à son peuple ainsi qu’à l’endroit qui l’a vu naître et grandir.
Comme les parcours empruntés en voiture, le recueil de Robichaud est ponctué de haltes routières numérotées qui se transforment pour la plupart en poèmes plus longs et permettent au poète de véritablement faire voir le souffle de son écriture très orale. C’est également là que les réflexions les plus personnelles sur la mémoire et la distance sont données à lire. Le tragicomique n’est jamais bien loin non plus – « À Grand-Pré / Y a plein d’histoires / Pis pas assez de monde / Pour s’en rappeler » –, rappelant que le regard posé sur les lieux qui défilent est très lucide.
Saturé de noms propres qui renvoient à une réalité bien précise aux yeux du lecteur – souvent un lieu –, mais qui deviennent aussi des outils de création pour Robichaud, Acadie Road multiplie les références littéraires et musicales. Grâce à elles, la trivialité des clichés quasi photographiques des villes arrive à s’inscrire dans une quête culturelle plus vaste. Notez que plusieurs effets de liste traversent Acadie Road – on aime ou on n’aime pas!
Si la démarche de Robichaud n’a rien de nouveau, en effet plusieurs auteurs acadiens avant lui ont cherché à nommer le territoire pour affirmer leur existence et leur survivance, il se l’approprie pleinement. Grâce aux nombreux vers à l’humour cinglant qui agissent à titre de contrepoids aux textes plus dithyrambiques, comme l’admirable « Manifeste diasporeux », coécrit avec Jean-Philippe Raîche, le recueil du poète originaire de Moncton réussit à tenir l’équilibre précaire entre banalité et émerveillement.