Actualité

La banane : une culture toxique

Image
Actualité

La banane : une culture toxique

Saviez-vous que l’Équateur est le principal pays exportateur de bananes, que ce fruit est la cinquième denrée alimentaire la plus commercialisée dans le monde et que les pesticides utilisés ont un impact sur la probabilité de maladies et d’anomalies congénitales? Il me semble effectivement impossible de passer sous silence cette relation marquante entre la forte proportion de personnes en situation de handicap (cécité, surdité, déficience physique et intellectuelle, etc.) ainsi que l’une des causes alléguées : la pollution causée par la culture bananière.

À l’été 2017, j’ai eu la chance d’accompagner un groupe d’étudiantes en physiothérapie lors de leur stage en Équateur. Les Équatoriens bénéficient d’un réseau intéressant de services de réadaptation et d’écoles spécialisées, qui découle du taux élevé de personnes en situation de handicap. Il faut admettre que le pays ne ménage pas ses efforts pour favoriser l’inclusion de ces personnes et améliorer le « vivre ensemble ». Pour ne citer qu’un exemple, la radio diffuse des capsules informant la population sur les méthodes pour interagir adéquatement avec des personnes aveugles ou sourdes.

Le stage s’est déroulé à Ricaurte, une petite ville peu nantie entourée de bananeraies. L’expérience dans une école spécialisée pour enfants en situation de handicap visait ultimement l’inclusion des personnes vivant avec une déficience physique ou mentale et l’amélioration de la qualité de vie des familles. Les stagiaires ont pu apprivoiser la physiothérapie pédiatrique. Concrètement, il s’agissait de travailler quotidiennement avec des enfants multi-handicapés et leurs familles, dans une communauté ayant des besoins immenses et vivant une relation bien particulière avec les bananeraies qui tapissent le paysage et qui sont une source alimentaire et financière significative. J’irais même jusqu’à dire que la banane fait partie intégrante de la culture équatorienne et la disparition possible de ce fruit, ravagé par certaines maladies, ne semble pas envisageable.

Culture bananière et pesticides

Il semblerait que l’Équateur ait choisi l’économie plutôt que la santé de ses communautés : pour qu’une bananeraie conventionnelle soit le plus profitable possible, des pesticides sont largués par avion hebdomadairement, au minimum, et en quantité faramineuse.

Ces pesticides assurent aux entreprises, telles que Chiquita et Dole, que les bananes récoltées correspondent aux standards occidentaux (anatomie souhaitée : jaune, sucrée, courbée et sans taches). Ces bananes seront empaquetées et envoyées à l’étranger. Les Équatoriens, eux, vont généralement consommer des bananes moins contaminées, mais qui correspondent forcément moins aux standards internationaux.

L’accès à des bananes moins « polluées » ne soulage pas les Équatoriens de leurs maux, car le problème pour plusieurs communautés équatoriennes n’est pas le taux de produits dommageables présents dans les bananes consommées, mais le contact direct (et indirect) avec les pesticides pendant la culture. Normalement, il n’y a pas d’épandage de pesticides pendant les heures scolaires ni lorsque les travailleurs sont dans les champs… mais comprenons que nombreux sont les Équatoriens vivant au cœur des plantations. Il est donc inévitable que la poussière de pesticides se répande comme une pluie fine sur les familles et leur environnement, contaminant la population, sa nourriture et son eau, pour des générations. Et au fil des ans, les maladies se succèdent et des enfants en situation de handicap naissent, ont besoin de soins spécialisés et ne prendront probablement jamais part activement à la vie en société. Les familles, surtout les femmes, devront demeurer à la maison à long terme, pour s’occuper de leurs enfants dépendants.

Il me semble également primordial de mentionner que les conditions de travail dans ces plantations briment couramment les droits de la personne, en ne protégeant pas, entre autres, les travailleurs manipulant des produits fortement toxiques. Les dernières décennies ont notamment été marquées par différents mouvements de travailleurs souhaitant s’organiser pour mieux se protéger sur plusieurs plans : santé, rémunération, âge des travailleurs, etc.

Et nous?

Pour finir sur une note plus positive, j’aimerais rappeler que des plantations de bananes biologiques existent, quoiqu’elles sont parfois controversées. Actuellement, seule une infime partie des bananes récoltées sont biologiques. Le geste simple de choisir la banane biologique (ou de la demander si elle n’est pas disponible) s’impose. C’est une façon de combattre  les impacts sociaux et environnementaux que subissent les communautés équatoriennes au cœur de la culture bananière.

Partager l'article

Image

Voir l'article précédent

Portrait d’une agriculture sans visage

Image

Voir l'article suivant

L’œil alerte, l’œil poète