
La ruralité à l’agriculture! Voilà qui est dit. D’après Solidarité rurale du Québec (SRQ), en raison de l’utilisation de l’espace territorial, il est tout à fait légitime d’imaginer l’agriculture comme l’activité principale des paysages ruraux. Cette idée est largement répandue, toutefois il ne s’agit que d’une perception, car l’agriculture ne constitue plus l’activité économique dominante d’autrefois. La population rurale qui en vit se « minéralise ». En termes agronomiques, la minéralisation est la décomposition de la matière organique par les micro-organismes du sol. Vous ne trouvez pas cela évocateur?
Au début des années 2000, les agriculteurs ne représentaient plus que 6,5 % des ruraux! Ce n’est guère mieux maintenant. Le recensement de 2016 en matière d’agriculture a été publié le 10 mai dernier : les agriculteurs vieillissent et sont de moins en moins nombreux. La ferme familiale se meurt. D’après SRQ, plusieurs facteurs (tant économiques que démographiques) montrent qu’assimiler la ruralité au seul secteur agricole est réducteur et ne correspond plus au monde rural actuel. L’agriculture se pratique en milieu rural parce que l’espace agricole s’y trouve. Que faire d’un monde rural contemporain où se multiplient les terres en friche? Car sans une agriculture dynamique, florissante et à échelle humaine, plusieurs communautés rurales sont vouées à disparaître. L’antidote à un tel mal pourrait-il provenir des centres urbains? Ce n’est pas du sarcasme. Et si l’espoir d’une relance de l’agriculture territoriale prenait sa source dans l’agriculture urbaine en plein essor? Les exemples foisonnent : les nombreux jardins communautaires de Vancouver, l’aménagement de parcelles cultivables dans les parcs municipaux de Séoul, l’installation de serres sur les toits de Montréal par Les Fermes Lufa ou, tout près de nous, le potager de l’école du Rocher-d’Auteuil de Rimouski, les initiatives de promotion de l’agriculture en ville se multiplient à un rythme fou sur tout le globe. Plusieurs de ces projets sont conçus, réalisés et entretenus par des organismes urbains comme Le Crapaud et Les Urbainculteurs pour ne nommer que ceux-là.
Roméo Bouchard écrivait dernièrement que l’agriculture des régions périphériques se mourait. Il a bien raison. Il écrivait également que l’enseignement, la recherche et l’innovation en matière d’agriculture se passaient maintenant en ville (et non plus à l’ITA de La Pocatière). À ce rythme, un fort pourcentage des agriculteurs et des agricultrices de demain proviendront des villes… c’est d’ailleurs déjà le cas dans le secteur du maraîchage biologique. Les prochains paysans auront été en contact avec le jardinage dès leur plus jeune âge. Qu’il soit pratiqué en arrière-cour, en communauté ou même à grande échelle sur des toitures, le jardinage permet aux enfants de voir d’où vient la nourriture et de comprendre comment elle est produite. Les jardins sont aussi des lieux d’engagement citoyen qui façonnent nos propres milieux de vie. Plus déterminants encore, ils permettent d’entrevoir, pour les plus passionnés, la pratique d’un métier pour lequel ils pourront recevoir une formation de grande qualité. Oui, les agriculteurs et les agricultrices de demain seront formés et ouverts sur le monde. C’est à ce moment que ces néoruraux se tourneront vers le monde rural pour y pratiquer le plus beau métier du monde et nourrir nos communautés. Comment pourrait-il en être autrement? Le territoire agricole s’y trouve.