Exclusivité Web

Je saurai à l’allure de tes glaces le temps qu’il fera demain

Par Marie-Josée Boudreau le 2017/05
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Exclusivité Web

Je saurai à l’allure de tes glaces le temps qu’il fera demain

Par Marie-Josée Boudreau le 2017/05

Sur l’affiche, un titre qui séduit complètement : Je saurai à l’allure de tes glaces le temps qu’il fera demain, appel au fleuve qui place parfaitement le rapport intime, presque amoureux, entre les trois auteures et leur terre, leur pays, et qui n’est pas sans rappeler la poésie des années 60 dont, trop souvent, « Je ne me souviens» pas.

À l’origine du spectacle, trois créatrices, à la fois auteures et interprètes : Stéphanie Pelletier, Isabelle Blouin-Gagné et Sara Dignard, qui sont allées à la rencontre des citoyens pour entendre leur voix et créer à partir de leurs écrits un spectacle sur le rapport au territoire. Elles se sont adjoint des collaborateurs bien connus du milieu culturel rimouskois : Denis Leblond à la mise en scène, Sophie Desjardins-Gagnon à la scénographie, Olivier D’Amours à la conception musicale et sonore et Sébastien Pednault à la conception des éclairages.

En cette soirée d’avril, les trois écrivaines nous attendent dans la salle du Théâtre du Bic, vêtues sobrement de noir avec aux pieds des chaussures colorées, pour souligner leurs racines différentes, peut-être. La scène est occupée par quelques chaises et des valises, alors qu’un tissu est simplement accroché pour délimiter le fond de la scène. Cette scénographie, qui s’animera pour former une corde à linge, se révèlera particulièrement efficace dans son dépouillement. Il faut dire que le projet est clair : le spectacle doit pouvoir prendre la route facilement. Dans ce cas-ci, cette contrainte est riche, puisque les textes ont besoin de peu d’artifices pour nous toucher. La salle est pleine et attentive dès le début du spectacle lorsqu’Olivier D’Amours entre en scène.

Les 75 minutes qui suivront nous tiennent au bout de notre chaise, alors que les textes s’enchaînent et que les trois voix se complètent et se répondent. Et ces textes sont d’une force et d’une beauté spectaculaire par leur pouvoir d’évocation et nous transportent dans la quête identitaire de ces trois femmes qui appartiennent au pays (où est-ce l’inverse ?). L’unité du spectacle est assurée par la mise en scène de Denis Leblond, toute en détails, et par l’écho de ces mots qui reviennent : « Mon pays, je …». On aurait pu craindre un spectacle répétitif et statique, mais on est surpris du travail accompli sur les textes pour atteindre un équilibre entre les monologues et le rapport intime au territoire, et les moments d’interaction où l’on sent la complicité qui unit les trois interprètes. La magnifique alternance entre le récit d’un accouchement livré par Stéphanie Pelletier et une longue énumération d’éléments du paysage est à cet égard un moment fort du spectacle et vaut à lui seul le déplacement. Le public rit, est  touché, pleure parfois. Si l’on peut émettre un bémol, il est peut-être dans l’intégration d’Olivier d’Amours, un quatrième interprète à la présence certaine, mais dont la musique ne sert parfois qu’à assurer les transitions alors qu’on aimerait davantage d’interaction avec les trois comédiennes. Cela ne nous empêche pas d’être séduits par son humour et l’environnement sonore qu’il crée.

En résumé, Je saurai à l’allure de tes glaces le temps qu’il fera demain est un magnifique spectacle d’où la foule ressort émue, avec l’impression d’avoir assisté à la naissance d’une belle aventure théâtrale qui doit absolument voyager pour permettre à chacun d’y participer. La finale, manifeste et appelle à tous à occuper le territoire, nous habite alors que nous sortons du Théâtre du Bic, les yeux plantés dans le fleuve, en murmurant pour nous-mêmes :  « Nous resterons. Si tu savais comme nous resterons».

 

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