
Le 24 mai dernier avait lieu à Montréal une journée de réflexion et de formation sur le racisme dans le milieu communautaire, organisée par le Centre des organismes communautaires (COCo) — un organisme provincial qui a pour mission notamment d’accompagner des groupes dans leurs démarches organisationnelles en valorisant la justice sociale, la citoyenneté active, la démocratie et le développement socioéconomique juste. La journée fut riche en partage, en réflexion et en propositions pour toute personne en position de privilège qui souhaite devenir une « meilleure alliée ».
La journée s’est ouverte avec le partage des résultats préliminaires d’une étude lancée en début d’année sur la question du racisme en milieu communautaire. De nature quantitative et qualitative, l’étude évoquait le haut ratio de personnes racisées qui ont quitté leur emploi dans le milieu communautaire après avoir vécu plusieurs situations violentes autour des attitudes ou des propos de collègues, ou en raison de politiques de travail ou de modalités d’organisation du travail qui ne sont pas inclusives. Il fut également question de la charge mentale supplémentaire que portent les personnes racisées au travail, notamment celle de s’adapter, de nuancer leur personnalité pour éviter le racisme. Cette charge mentale s’exerce aussi sur les personnes racisées quand on leur confie spécifiquement les dossiers liés à la diversité ou quand on leur confie par exemple l’ensemble des participants issus de la diversité. Sans compter le fait qu’elles doivent assumer la responsabilité d’ « éduquer » leurs collègues quant à la question de la diversité et de l’inclusion, les rassurer quand une situation de « call out » survient, c’est-à-dire quand elles se font pointer du doigt pour un comportement problématique, violent, oppressif, etc.
Comment se fait-il que le milieu communautaire, milieu militant qui se veut ou se dit ouvert, porté par la justice sociale et vecteur de changement, reproduise l’oppression raciste? Cette question, qui est ressortie lors d’une période de plénière et qui semblait partagée par bon nombre de participants, me semble en soi un problème parce qu’elle participe à une première forme de déni ou d’aveuglement quant à la présence réelle du racisme dans le milieu communautaire. Autrement dit, la posture de l’étonnement, celle qui fait dire « je n’aurais pas pensé que le racisme agissait dans le milieu communautaire » peut être en fait initiatrice de la reproduction de comportements racistes, en plus d’être peu orientée vers les solutions et un réel changement. Demeurer dans la réaction plutôt qu’agir pour le changement peut constituer un des obstacles qui maintient la tendance actuelle.
Que l’on s’étonne du fait que des militantes et des militants racisés finissent par quitter le milieu communautaire peut être perçu comme une forme d’hypocrisie. Le racisme, s’il est systémique et s’inscrit dans des structures, n’est pas pour autant désincarné et en dehors des personnes privilégiées. Le racisme prend place dans les rapports interpersonnels, à travers des attitudes et des comportements qui sont adoptés par des personnes, individuellement. Ces personnes, ce sont les travailleuses et les travailleurs du milieu communautaire, majoritairement blancs.
Il faut admettre que si le racisme persiste, c’est parce que collectivement et individuellement, nous n’arrivons pas à changer nos comportements et que, parfois, on ne souhaite pas faire le travail nécessaire d’autocritique et de remise en question. Pourtant, construire la justice sociale passe inévitablement par la mise en place d’organisations qui militent pour des lieux inclusifs et plus sécuritaires pour les personnes marginalisées. Nos attitudes racistes, conscientes ou non, ont des conséquences énormes sur le vécu des personnes racisées en laissant des traumatismes et des blessures que l’on doit reconnaître. Décentrons-nous un peu et accueillons les critiques avec ouverture afin d’être de meilleurs alliés et de meilleures alliées.