Champ libre

Origami poétique et plus…

Par Annie Landreville le 2017/05
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Origami poétique et plus…

Par Annie Landreville le 2017/05

Aimée Lévesque est née à Rimouski et elle enseigne aujourd’hui le français au cégep John Abbott à Sainte-Anne-de-Bellevue. Globe-trotter en solitaire, elle a vécu au Japon et affectionne aussi la Bosnie, comme on peut le lire sur le blogue qu’elle signe depuis 2010, hiroshimem.com. Trois fois finaliste au concours de poésie de Radio-Canada, elle publie son premier recueil, Tu me places les yeux, à la maison d’édition La Peuplade.

Entre les lointains souvenirs de la section Tu repasseras, qui ouvre le recueil avec le regard en contre-plongée de l’enfant qui observe le monde des adultes, et la dernière, Par les fondations, portée par un regard d’adulte qui fait le pont entre le passé et le présent, neuf sections racontent les lieux, les odeurs et les gens. Neuf parties qui sont comme neuf longs poèmes livrés par petites touches, chacune débutant par une majuscule et se terminant par un point. Ponctuation minimaliste qui sied bien à ces séries de courts textes à la fois généreux dans leur partage et pleins de retenue. Car tout le charme de l’écriture d’Aimée Lévesque réside dans sa capacité à faire tenir en un délicat équilibre à la fois l’art de l’ellipse et toutes les images qui semblent sorties du cinéma direct, une forme qui vient donner d’autant plus de poids aux images simples du quotidien. Parfois poupées gigognes, parfois origamis à déplier, les moments évoqués le sont avec précision. 

Jetant un regard sur le passé, la petite fille devenue grande revisite la maison de sa grand-mère décédée et c’est toute son enfance qui remonte à la surface avec les souvenirs de l’aïeule. Elle se remémore les lieux, « Un jour, une maison/beurrée d’images »; les promenades, « Rimouski-Est/à huit minutes/du centre du monde »; la cuisine avec ses galettes où « j’ai appris à parler/en jeux de mots rutabagas » entre le pâté chinois et le bol « pour faire fondre le Popsicle ». L’auteure revoit, aussi, à rebours, la construction identitaire entre filiation et opposition : « Comment se sortir la tête/d’une famille où tous s’appellent/comme le voisin » avant d’admettre plus loin « je tiens de toi tes mots couleurs/brassées sans pareilles ».

L’écriture d’Aimée Lévesque possède une force tranquille. Sans mièvrerie ni sentimentalisme, sa plongée dans l’enfance « où on apprend à se péter la gueule » et la « courtepointe scellée » nous laissent avec la même impression que les dessins du grand peintre japonais Katsushika Hokusai qui nous montrent à la fois la grande force des vagues et leur délicate dentelle.

Enfin, l’écrin est à l’avenant; La Peuplade fait de beaux livres. L’œuvre de Mariery Young qui orne la jaquette de celui d’Aimée Lévesque rappelle les papiers colorés des origamis. Ce n’est sûrement pas un hasard.

Aimée Lévesque, Tu me places les yeux, La Peuplade, 2017, 132 p.

 

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