
À plusieurs reprises au cours des dernières années, les porte-parole de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) ont dénoncé publiquement l’impact psychologique sur ses membres des politiques gouvernementales qui déstabilisent le réseau public. Aux compressions budgétaires se sont ajoutées des réformes d’envergure, dont celle qui a donné lieu à la création en 2015 des centres intégrés de santé et de services sociaux, fusionnant en un seul tous les établissements d’une région. Alertée par ses équipes régionales, l’APTS a voulu connaître l’ampleur des répercussions de cette réorganisation sur la santé psychologique des personnes qu’elle représente à la grandeur du Québec. Avec le soutien méthodologique de chercheurs de l’Université Laval, le syndicat a sondé en novembre dernier près de 7 000 de ses 33 000 membres. Les résultats de ce sondage appellent à l’action.
La réforme administrative menée par le ministre Gaétan Barrette a été imposée sans considération pour ceux et celles qui tiennent à bout de bras le réseau de la santé et des services sociaux. Elle a eu d’indéniables impacts négatifs sur le personnel comme en témoignent les résultats du sondage. En effet, 65 % des répondants du Bas-Saint-Laurent ont noté que cette loi a affecté beaucoup ou énormément leur travail de façon négative. La nouvelle organisation du travail semble notamment avoir eu pour conséquence d’alourdir la charge de travail. Ainsi, 68 % des répondants déclarent ne pas avoir assez de temps pour faire leur travail.
Détresse psychologique
Les réponses aux questions visant à évaluer l’état psychologique traduisent, pour 64 % des techniciens et des professionnels, un indice élevé ou très élevé de détresse psychologique. Une enquête utilisant la même approche réalisée en 2011 avec un échantillon représentatif de travailleurs n’attribuait qu’à 18 % d’entre eux un indice de détresse psychologique. Tout un écart! Et tout un cauchemar aussi pour ceux et celles dont le rôle consiste à établir une relation d’aide. Comment soigner, conseiller ou soutenir autrui quand on est soi-même souffrant?
Outre l’introduction du projet de loi 10 dans le réseau, d’autres changements organisationnels ont affecté la santé psychologique des employés : la centralisation des laboratoires connue sous le nom d’OPTILAB, le transfert de membres du personnel professionnel des CLSC vers les groupes de médecine de famille (GMF), les mesures d’optimisation et la gestion par statistiques. Ces réorganisations ont pour effet de démanteler les équipes de travail, qui constituent un important soutien social pour des gens dont le travail, dans bien des cas, est émotivement exigeant.
Absentéisme
L’étude s’est également intéressée aux absences pour des motifs de santé psychologique. Les résultats révèlent qu’au cours de la dernière année, 29 % des personnes interrogées sur notre territoire se seraient absentées en raison d’un problème d’ordre psychologique (épuisement, dépression, anxiété, etc.), un résultat qui ne doit certainement pas réjouir les directions d’établissements, désireuses de réduire leurs dépenses croissantes en assurance salaire.
Après les constats, les solutions
En janvier dernier, l’APTS a rendu publics les résultats de son étude. Ses porte-parole aux quatre coins du Québec ont présenté les résultats aux conseils d’administration des établissements en leur demandant comment ils entendaient venir en aide à leurs employés éprouvés par les changements successifs survenus dans leur milieu de travail.
Une mesure du Plan d’action ministériel en santé mentale 2015-2020 prévoit que chaque établissement du réseau de la santé et des services sociaux se dote d’un plan d’action et mette en place des conditions de travail et des pratiques organisationnelles qui favorisent la santé mentale du personnel. On ne peut pas négliger le fait que le réseau emploie près de 7 % de la population active du Québec. Ce plan doit comporter des mesures de prévention des troubles mentaux, des programmes et des ressources d’aide aux employés ainsi qu’une démarche de soutien au rétablissement et au retour au travail pour les employés ayant vécu un épisode de trouble mental. Il doit en outre favoriser le développement d’attitudes aptes à contrer la discrimination, en termes de travail ou au moment de l’embauche, à l’égard des personnes souffrant ou ayant souffert d’un trouble mental.
Autonomie professionnelle
Dans une perspective de prévention dans les établissements du réseau, il importe de reconnaître l’autonomie professionnelle des salariés et leur capacité à organiser leur milieu de travail de manière à offrir des soins et des services qui soient à la fois efficaces et humains. Que 63 % des professionnels et des techniciens des établissements du Bas-Saint-Laurent estiment ne pas avoir d’influence sur la façon dont les choses se passent à leur travail donne à réfléchir… On parle ici de personnes dûment formées, spécialisées dans leur domaine et qui ont fait le choix d’un travail clinique au service de la population. Le minimum serait qu’on leur fasse un peu confiance.
En tant qu’organisation syndicale, l’APTS entend contribuer au quotidien à la bonne santé mentale de ses membres, en défendant leurs droits dans les comités de relations professionnelles, en réclamant des mesures de conciliation famille-travail-études, en s’opposant à la surcharge de travail, en participant aux comités sur l’organisation du travail et en favorisant les activités de santé et de sécurité au travail.
Finalement, l’APTS demande au gouvernement de limiter le nombre et la fréquence des changements organisationnels de manière à mettre un frein à ce tourbillon de nouvelles réorganisations imposées sans même avoir terminé convenablement les précédentes.