
Le musée : un espace de questionnement
Le musée est un lieu de communication et de partage, un lieu d’échange. Les œuvres sont porteuses d’expériences dont on ne contrôle pas tous les enjeux ou les résultats. L’élément moteur du travail muséal est de comprendre comment et pourquoi un sujet est ciblé et quels sont les objectifs visés.
Au quotidien, je me réfère tout d’abord à l’œuvre d’art, point d’ancrage de ma pratique, puis à la discussion, à l’écoute et à l’engagement avec les artistes. La conversation porte sur des sujets de société : d’ailleurs, nos interrogations n’ont généralement pas de réponses connues.
J’explore des œuvres et des sujets en écho aux grandes questions et aux débats de l’heure et j’en discute avec des intervenants interpellés par ces mêmes questions − artistes, citoyens, collectifs, organismes dédiés à l’apprentissage ou à la production. Cela se fait obligatoirement dans le respect et avec la pleine collaboration de l’équipe qui prend les rênes des projets. Ententes et partenariats sont conclus afin d’élargir les champs d’action du musée.
Quoique les intérêts et les objectifs poursuivis soient multiples, certains éléments de la vision du musée à long terme guident les recherches engagées au fil des activités et établissent la trame de la programmation. En fait, il sera presque impossible de connaître l’impact de ces choix. Les gestes posés demandent de faire confiance à l’autre – artistes, collègues, partenaires ou le public. Les conséquences parfois imperceptibles marqueront le travail de l’autre, l’expérience du public, ses perceptions du monde, et le quotidien de tous. L’engagement et l’intégrité sont des qualités essentielles du muséologue. À celles-ci s’ajoute une vision bien cernée et arrimée au mandat du musée.
S’approprier l’art sans pouvoir
La muséologie comporte aussi une dimension sociale assumée par l’institution et ses travailleurs. Le musée − lieu de travail, lieu public et destination − est à la fois un lieu de passage où perception, glanage, vitesse et impression se passent, et un lieu de médiation, d’exploration, de débats et de partage. Ce n’est pas un lieu de pouvoir. C’est un lieu qui reconnaît l’importance du vécu. C’est un espace où prendre le temps compte. C’est un lieu à contretemps : celui de la résistance et du questionnement. C’est un espace à la fois défini et conceptuel, un espace en mouvement qui s’inscrit en parallèle au pouvoir. Le musée ne détient pas une autorité sur l’art, il se l’approprie.
Je me suis toujours dite féministe – d’un certain type de féminisme qui se conjugue au pluriel et qui situe ses actions à l’intersection de plusieurs oppressions inscrites dans la culture, la religion, la classe sociale, l’orientation sexuelle, le handicap, l’âge, etc. Oppressions qui agissent toutes simultanément dans la vie des femmes. En tant que femme et muséologue, j’ai la possibilité de réfléchir avec mes collègues au discours mis de l’avant par l’institution. Les assises du pouvoir sont inscrites dans un système devenu invisible, ce sont justement ces assises et ce système que je mets en question. Là se situe le lieu d’intervention des décisions mises de l’avant par les musées.