Champ libre

Ceci n’est qu’un passe-temps : Joujou du coeur qu’une plume, pour une femme!1

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Ceci n’est qu’un passe-temps : Joujou du coeur qu’une plume, pour une femme!1

Au 19e siècle, quelle place occupaient les femmes du Bas-Saint-Laurent dans le champ littéraire en train de naître au Canada français? Une place marginale, sans doute, si l’on considère que mises à part Élisabeth-Anne Baby (1803-1890) ou Robertine Barry (1863-1910), on connaît peu de femmes auteures. La réponse à cette question est néanmoins plus complexe qu’il n’y paraît lorsque l’on prend en

compte ces écrivaines de l’ombre dont les œuvres ne seront jamais publiées. C’est le cas de Marie Langevin (1841-1916) que ses frères Jean et Edmond, respectivement évêque et vicaire général du diocèse, qualifient de « bas bleu » dans une lettre où l’on apprend qu’elle rédige un roman (dont le manuscrit est aujourd’hui perdu), ou de sa nièce, Hectorine Langevin (1855-1934), fille d’un des pères de la Confédération Hector-Louis et femme de Thomas Chapais, qui tient un journal personnel comme, sans doute, plusieurs autres femmes des classes plus aisées. On peut aussi penser aux émules de Laure Conan, qui sont pratiquement absentes des institutions lettrées, ou à tous ces instituts littéraires qui ne comptent aucune femme parmi leurs membres. Pourtant la culture lettrée n’est pas inaccessible aux femmes, notamment grâce au travail assuré par les religieuses, dont celles de la congrégation Notre-Dame à Rimouski.

On sait aussi, même si les occurrences restent rares, que certaines femmes de la région ont possédé, seules ou avec leur mari, des bibliothèques considérables, et que certaines d’entre elles faisaient l’acquisition de volumes dans les ventes publiques. Ainsi, une partie de la bibliothèque monumentale de François Magloire Derome aurait en fait appartenu à sa première épouse Théotiste Labadie. Lors de la vente aux enchères qui suit le décès de Derome, en 1880, les procès-verbaux relèvent la présence d’une seule femme, la célibataire Georgina Hill.

Dans tous les cas, comprendre la contribution des femmes dans le champ littéraire du 19e siècle et leur participation aux institutions cultivées constitue une entreprise ardue. Les résultats d’une telle recherche sont nécessairement lacunaires. À ce jour, le dépouillement de fonds d’archives, de correspondances et de journaux demeure la stratégie la plus probante pour retracer ces fragments de littérature écrite ou pour mieux comprendre le rapport qu’entretient la gent féminine bas-laurentienne avec la littérature. Il reste encore, sur ce sujet, beaucoup à découvrir.

1. Eugénie de Guérin, Journal et fragments, Paris, Victor Lecoffre, 1887.

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