Champ libre

Femmes et culture : traces d’une mythologie contemporaine

Par Marie-Amélie Dubé le 2017/03
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Femmes et culture : traces d’une mythologie contemporaine

Par Marie-Amélie Dubé le 2017/03

Fécond et fertile, engagé et sensible, déterminé et résilient telles son agriculture et ses intervenantes culturelles, le Bas-Saint-Laurent offre au quotidien un festin digne de Bacchus. La culture s’élève à l’état de mère nourricière de l’intelligence d’une communauté, nourrie par les fruits des créateurs d’ici. Une gorge souterraine d’où émerge une livrée de sons, d’images, de mots, de gestes et d’idées, grâce à une horde « d’agriculteurs » culturels, composée d’hommes, bien sûr, mais aussi de femmes. Telles des pieuvres, des amazones, des sirènes et des hydres, elles se hissent ensemble, au haut du tumulte, en tissant une toile d’actions bienveillantes pour protéger et faire germer la culture d’ici.

Tous les matins, j’enfile moi-même ce costume invisible : celui des femmes engagées à éduquer la population sur la valeur du travail des artistes et à défendre la place des arts afin de l’ériger en une nourriture nécessaire pour l’esprit des jeunes et des moins jeunes.

Gourmande, affamée et en quête d’une tablée bien chargée, je me transforme en figure pantagruélique, prête à ingérer tout ce qui se présente de nouveau en culture pour ensuite le digérer et décider d’y retourner, ou pas. Je m’abreuve à la source de la relève, je cherche à déguster les nouvelles saveurs du mois, les métissages et leurs accords.

Frondeuse, perspicace et tenace, poussée par Jeanne d’Arc et Antigone, j’arme mes mots et actions afin de repousser la menace populiste et les raccourcis de l’esprit qu’elle emprunte. Je me contrôle, j’argumente, j’explique, j’image et je chiffre (oh, combien cela allume et éteint). Je vulgarise, je synonyme, je rationalise l’irrationnel.

Séductrice, rêveuse et utopique, je me fais « Don qui shot», souffleuse de moulins à vent. Sur une monture filante, remplie d’espoir, allumeuse de réverbères assurée que la lumière éclairera mes prochains, j’anime des mots, des sons et des images pour que s’arrête le temps et que se construise le sens de nos vies.

Polyvalentes et équilibristes du quotidien doivent être les femmes en culture. Elles doivent gérer l’incertitude et planifier ce que d’aucuns appellent des nuages. Manier le verbe, le crayon, le calcul et les contacts avec précision sans pour autant évacuer l’intuition est un  préalable, mais c’est main dans la main avec le positivisme, avec la résolution de problèmes et grâce à la concertation que les troupes gagnent du terrain.

Être tentaculaire est une condition sine qua non de la réalité d’une travailleuse autonome, de surcroît en culture, et au sein d’une population restreinte, sur un territoire si vaste. Petits contrats ici et là égalent petits cachets aussi, hélas. Mais ce qui paie vraiment, c’est d’être en relation avec plusieurs organismes publics, bénévoles, entreprises, artistes et médias afin de rendre le tissu culturel plus lié et serré. Si j’y arrive en tant que directrice artistique et metteur en scène, à titre de coordonnatrice du festival Vues dans la tête de…, comme bénévole pour Les projections Cinédit, en tant que rédactrice par intérim et représentante publicitaire pour la Rumeur du Loup, comme agente d’artistes, comme organisatrice d’événements spontanés, en offrant des services de communications à la pièce et comme animatrice sur demande, c’est parce que je suis entourée de gens extraordinaires, qui sont tout aussi déterminés que moi à faire avancer la situation des artistes d’ici, à dynamiser la région et à assurer la rétention des jeunes créateurs. Seule, je n’y arriverais pas.

Oui, les femmes, par leur sensibilité, leur calme ou leur fougue, leur attitude rassurante, familiale, nourricière, organisatrice et perfectionniste, sont nécessaires au combat des luttes pour la culture régionale. Mais il m’est difficile d’évacuer l’apport des hommes dans mon travail, omniprésents dans mon quotidien. Je tiens à leur rendre hommage.

Plus que jamais, unissons nos voix. Femmes et hommes, d’ici et d’ailleurs, cultivons notre identité commune. Chantons, dansons, écrivons cet humain, cette langue, cette terre.

 

 

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