Actualité

Une roche dans le soulier

Par Pascal Bergeron le 2016/11
Image
Actualité

Une roche dans le soulier

Par Pascal Bergeron le 2016/11

Le 26 septembre dernier, quelques membres du groupe Environnement Vert Plus ont visité le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (DELCC) à Sainte-Anne-des-Monts pour demander pourquoi le BAPE qui tenait jadis des audiences publiques pour des projets éoliens n’en tient pas pour l’injection de produits radioactifs dans le sous-sol, pour le transport de matières explosives sur rails, pour l’expulsion de métaux lourds d’une cheminée. Les membres d’Environnement Vert Plus ont demandé, avec une grande naïveté, comment il se faisait que le Ministère ne fasse pas grand-chose pour protéger le territoire.

Le directeur régional adjoint, Yan Larouche, a tourné en boucle un syllogisme imbuvable : « La réglementation protège l’environnement, nous appliquons la réglementation, donc nous protégeons l’environnement. » Je rigole à peine. Questionné pour savoir si la réglementation suffisait, il a répondu que ses analystes prévoyaient des mesures dans les cas où rien n’était prévu. En ce qui a trait à certaines normes complaisantes, comme les distances séparatrices ridicules prévues au Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection, la composition inconnue du coke de pétrole brûlé à la cimenterie de Port-Daniel ou l’absence de BAPE pour le projet de production d’alumine Orbite, M. Larouche nous a gentiment renvoyés à son syllogisme orwellien et nous a invités à envoyer nos demandes au gouvernement. Les fonctionnaires vont continuer à fonctionner…

M. Larouche nous a cependant invités à préparer des rencontres séparées pour chaque projet. (Il s’agit d’une invitation ouverte à tous. Si le cœur vous en dit, on pourrait à travers des rencontres du genre se créer une sorte de BAPE à notre façon.) En prévision, nous avons envoyé à M. Larouche des questions sur les forages à Bourque et sur la cimenterie de Port-Daniel.

Voici son commentaire sur l’étude hydrogéologique à Bourque : « Pour ce qui est des forages de Bourque, il n’y a pas eu d’étude semblable car, depuis celle réalisée sur la péninsule d’Haldimand, le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection (RPEP) est entré en vigueur. Ainsi, en vertu des articles 37 et 47 du RPEP, la compagnie doit réaliser des études de caractérisation de l’eau souterraine. » Le règlement prévoit une étude, il n’y en a pas eu, donc le Ministère a accordé les permis de forage. Êtes-vous, cher lecteur, aussi perplexe que moi?

En ce qui concerne la cimenterie, « les questions-réponses entre le Ministère et la compagnie dans le cadre d’une demande de certificat d’autorisation ne pourront être transmises car, en vertu de la loi, ces documents sont en analyse ». Pardon? On croyait l’analyse terminée, car la cimenterie détient déjà son certificat d’autorisation. Parmi ces « questions-réponses », on veut connaître les prévisions d’accumulation de métaux lourds dans le sol, dans la chaîne alimentaire et « dans les humains » habitant à Port-Daniel–Gascons.

Pourquoi le Ministère semble-t-il impuissant à empêcher l’expansion industrielle en Gaspésie? Le 29 septembre, à l’Assemblée nationale, le chat est sorti du sac. En répondant à une question sur la cimenterie, Philippe Couillard a déclaré que la Gaspésie était une belle « région pour aller se faire prendre en photo [qui doit devenir] un milieu de vie avec une base industrielle. […] Les 1 200 travailleurs sur le chantier sont en train de revitaliser la Baie-des-Chaleurs. Il faut maintenant faire le même travail au bout de la péninsule et en Haute-Gaspésie. C’est pour ça qu’il y a des projets intéressants comme le projet Bourque. » Avec ce plan pour la région, toute la Gaspésie ressemblera bientôt à Murdochville.

L’argent d’Investissement Québec, loin de générer de la richesse, vient maintenir artificiellement en vie des projets qui autrement s’effondreraient d’eux-mêmes. Haynes and Boone a répertorié 90 faillites depuis le début de 2015 dans la filière hydrocarbure au Canada et aux États-Unis, et les projets gaspésiens ne valent pas mieux, si on se fie aux analyses très fouillées du docteur en géologie Marc Durand.

Avec la liquidation par Nathalie Normandeau des droits d’exploration des hydrocarbures aux mains des amis du régime libéral, Investissement Québec apparaît maintenant comme le véhicule privilégié pour transférer les fonds publics dans les poches de la grande famille libérale. Exit la commission Charbonneau et autres mécanismes de vérification publique : le conseil d’administration d’Investissement Québec n’a pas à aller en appel d’offres pour décider qui recevra sa part du milliard consacré au développement des mines et des hydrocarbures. On cherchera là les principales raisons d’un développement industriel irrationnel en Gaspésie et au Bas-Saint-Laurent.

Que faire maintenant? Devenir la roche dans le soulier de chacun de ces projets.

Partager l'article

Image

Voir l'article précédent

Black Friday et Boxing Day : avoir avant être

Image

Voir l'article suivant

Sortons de la « minéralisation » chronique